jeudi 13 décembre 2012

Happy Higgsmas 2012!

Le vrai jour où la découverte du boson de Higgs (ne) fut (pas tout à fait) annoncée 
L'annonce publique officielle de la découverte du boson de Higgs est bien datée du 4 juillet 2012 mais le chasseur de scoop scientifique ou le blogueur amateur de science sait qu'un séminaire publique se teint le mardi 13 décembre 2012 lors duquel les physiciens du CERN communiquèrent prudemment sur la possibilité de la détection d'une nouvelle particule de masse voisine de 125 GeV mais avec une pertinence statistique de seulement trois sigma, insuffisante pour l'annonce officielle d'une découverte comme l'annonçait le jour précédent Sean Carroll sur son blog Cosmic Variance. Peut-être cette non-annonce s'expliquait par la nécessité de couper court aux rumeurs qui diffusaient sur la blogosphère et la volonté de remettre un peu de sérénité dans la communauté scientifique en quête du Higgs, elle  donnait aussi l'occasion aux équipes du CERN de montrer elur sérieux et de ne pas répéter des erreurs passées comme l'explique très bien Giulio d'Agostini dans cet article.
Quoiqu'il en soit Phil Gibbs dont le blog vixra log fut semble-t-il le premier à avoir accueilli dans ses commentaires la rumeur d'un "Higgs à 125 GeV" fut heureux de commenter en direct ce fameux séminaire du 13 décembre et fut comme d'autres convaincu de la véracité du "signal" identifié. L'avenir a donné raison à tous, les prudents et les enthousiastes : parmi lesquels Flip Tanedo qui immortalisa par anticipation cette journée par une chanson : The Night before Higgsmas.

Qu'y a-t-il de nouveau aujourd'hui dans nos petits souliers ?
Nous sommes aujourd'hui le 13 décembre 2012, un an après ce séminaire et c'est la date qu'a choisi la collaboration ATLAS pour annoncer ses dernières investigations sur le Higgs. A la lecture du dernier billet  du blog Resonaances sur le sujet, publié il y a moins de deux heures et intitulé malicieusement Twin Peaks in ATLAS il semble que le microscope de l'infiniment petit que représentent le LHC et le détecteur ATLAS ait peut-être un problème de mise au point lorsqu'il se penche sur les différents canaux de désintégration du Higgs puisqu'il voit double pour ainsi dire ...

\\ajout du 15 décembre : 
La courbe ci-dessus indique les deux valeurs de masse différentes mesurées par ATLAS pour le supposé boson de Higgs selon deux canaux de désintégration particuliers. Pour en savoir plus on peut lire ce billet en français du blog Quantum Diaries.

samedi 8 décembre 2012

Après la géométrie Euclidienne et la géométrie Riemannienne, une géométrie Galoisienne pour la physique?

Sans commentaire // ou presque (5)

Comment sauver encore une fois la théorie quantique des champs (TQC) au XXIème siècle? 
A tout seigneur tout honneur, donnons la parole à Steven Weinberg l'un des pères du Modèle Standard, lequel n'est rien d'autre que le nom commun de la théorie quantique des champs la plus couronnée de succès à ce jour. Dans cette conférence donnée sous le Globe du CERN le 7 juillet 2009, le célèbre physicien américain expose ses vues sur les hauts et les bas dans l'histoire de la TQC : sa présentation débute avec l'image ci-dessous décrite comme représentation des fluctuations "boursières" de la valeur de la TQC sur le marché des théories physiques ...


                                                                                                                                            
Comme on le voit l'action "TQC" est en baisse depuis les années 80 qui ont vu l'avènement des théories des supercordes qui dominent depuis le marché ... Néanmoins Weinberg termine son exposé sur l'hypothèse de sécurité asymptotique d'une théorie quantique du champ de gravitation, concept qu'il a proposé en 1979 comme une généralisation de celui de liberté asymptotique qui avait permis de réhabiliter la TQC quelques années auparavant (voir billet précédent). Et même s'il juge alors les chances d'une validation de cette hypothèse comme minces, accordant plus de crédit aux théories des supercordes, il remarque cependant des progrès récents sur la voie de la validation du scénario de la sécurité asymptotique (en gros l'existence d'une théorie quantique du champ de gravitation renormalisable dans un cadre non-perturbatif) et finit  même son exposé à peu près sur ces mots:
Je ne veux pas décourager les théoriciens des cordes mais la possibilité existe que le monde ne soit pas tel qu'ils l'envisagent mais qu'il soit au contraire plus proche de ce que nous savons déjà de lui à savoir le modèle standard "plus" la relativité générale ...
Pour élargir l'horizon des possibles au delà des théories des cordes et aborder l'histoire du développement de la TQC sous un autre angle, il est intéressant de se pencher sur l'exposé suivant (en français) : Renormalisation non commutative (28 avril 2007) du physicien théoricien Vincent Rivasseau qui brosse un panorama assez large des différents  aspects du non-commutatif. On peut d'abord y lire ce résumé :
... la théorie [quantique] des champs et la renormalisation réussirent au début des années 70 un come-back spectaculaire:

- Weinberg et Salam unifièrent interactions électromagnétiques et faibles à l’aide du formalisme de Yang et Mills de théories de jauge dites non-abéliennes, c’est à dire basées sur une symétrie interne non commutative.

- ’tHooft et Veltmann réussirent le tour de force de montrer que ces théories de jauge sont encore renormalisables, en particulier à l’aide d’un nouvel outil technique, la [régularisation] dimensionnelle.

- ’t Hooft dans un travail non publié, puis Politzer, Gross et Wilczek découvrirent en 1973 que ces théories ne souffraient pas du fantôme de Landau. Gross et Wilczek proposerent alors une théorie de ce type, QCD  [chromodynamique quantique] pour décrire les interactions fortes ou nucléaires.

Meanwhile, perturbative renormalization was embarrassingly effective in describing reality, and kept QFT, understood as an expansion in Feynman graphs, in its role as the best-tested and most-used workhorse in the stables of theoretical physics. It is commonly denied the status of being a theory these days though, as at the moment of writing it is not yet defined in mathematically satisfying terms.
It is a personal belief of the author that this is not testimony for bigger (read extended) things hiding behind local quantum fields, but rather testimony to the subtlety by which nature hides its concepts.
On an optimistic nore, I indeed believe that the clear mathematical understanding we have now of the practice of perturbative renormalization paves the way for a mathematical consistent approach to QFT which bridges the gap between what practitioners of QFT have learned, and what is respectable mathematics.
                                                           Dirk Kreimer Algebra for quantum fields (juin 2009).

Après les succès des théories de jauge non-abéliennes sur l'espace-temps ordinaire, quelles promesses offrent les géométries non-commutatives ? 
Explorer ce que devient la théorie des champs en géométrie non commutative et en particulier dans l’espace de Moyal [travaux de H. Grosse et R. Wulkenhaar] est ... suggéré à la fois par l’examen attentif du modèle standard et par la théorie des cordes.
Mais une autre motivation profonde vient de la physique ordinaire en champ fort. Il peut d’ailleurs s’agir de physique des particules ou de matière condensée. L’exemple le plus évident est celui de l’effet Hall quantique [travaux de V. Pasquier et A. Polychronakos]. 
Mais on peut aussi penser à d’autres problèmes en champ fort comme le confinement des quarks, ou la croissance de polymères chargés sous fort champ magnétique. L’utilisation des techniques de géométrie non commutative pourrait aider à comprendre des effets très difficiles à étudier parce qu’ils sont non-perturbatifs et non-locaux dans le langage de la géométrie ordinaire. 
                                                                                                          Vincent Rivasseau  ibid.

The lack of a simple geometric interpretation of the new terms added to the Lagrangian to generate the masses leads to many theoretical speculations denying any fundamental significance to the Higgs particle. As we see below, noncommutative geometry indeed provides a simple geometric interpretation of the new terms. 
Alain Connes, Matilde Marcolli Noncommutative Geometry, Quantum Fields and Motives (novembre 2007).

Our approach is inspired by Connes’ ideas ... but we attempt to generalize general Riemannian - rather than spin-geometry purpose of our note is to provide natural geometrical interpretations of various scalar fields, such as an axion, a dilaton and a Higgs field, ... As in Connes’ approach, "space-time" will have the structure of two copies of the usual four-dimensional space-time carrying (a priori massless) left-handed and right-handed spinors, respectively. This is reminiscent of a fivedimensional generalization of the quantum Hall effect ..., the extra fifth dimension being treated as a discrete two-point set.  
The axion will turn out to be the "fifth" component of the electromagnetic vector potential, the dilaton to be a gravitational degree of freedom associated with the discrete fifth dimension, and the Higgs field will appear as a component of the electroweak gauge field that induces tunneling processes between the two sheets of "space-time"and provides masses to the fermions and to the W- and Z gauge bosons...
Ali H. Chamseddine, J. Fröhlich, B. Schubnel, D. Wyler Dimensional Reduction without Continuous Extra Dimensions (janvier 2012).


La non-commutativité (de "l'espace") comme alternative à la supersymétrie?
Il y a plusieurs façons de rendre un espace non-commutatif et différents espaces susceptibles de l'être, de plus l'espace-temps des uns n'est pas toujours exactement le même que celui dont parlent les autres c'est particulièrement vrai dans le cas de la confrontation des modèles évoqués par Rivasseau et celui développé (et raffiné récemment) par Connes et Marcolli dans ces différents extraits :
Si à une échelle (hypothétique) comprise entre l’échelle du Tev et l’échelle de Planck l’espace-temps ordinaire lui aussi devient non-commutatif, il faut sans doute utiliser le groupe de renormalisation non commutatif à partir de cette échelle.

Un des arguments les plus forts pour l’existence de supersymétrie est que cela aide à la convergence des couplages U(1), SU(2) et SU(3) du modèle standard...

Mais cette convergence pourrait aussi se produire en vertu d’un flot modifié par la non-commutativité de l’espace-temps.  
                                                                                                           Vincent Rivasseau ibid. 

 The model of space-time given by the product of a continuous four dimensional manifold times a  noncommutative discrete space has many advantages. It allowed us to obtain the Standard Model with the correct representation for the 16 fermions, the correct gauge fields and a Higgs doublet associated with the discrete dimension, thus providing a geometric origin for the Higgs field as a gauge field associated to the finite space...
The noncommutative approach predicts all the fermionic and bosonic spectrum of the standard model, and the correct representations. In addition to the Higgs field, there exists a neutral singlet field, whose [vacuum expecttion value] gives Majorana mass to the right-handed neutrino. The existence of the singlet is responsible for the breakdown of the symmetry of the discrete space from H ⊕ H ⊕ M4 (C) to C ⊕ H ⊕ M3 (C) and thus plays a central role. One can also take as a prediction that there are no other particles to be discovered, except for the three scalar fields: the Higgs field, the singlet field and the dilaton field ... The dynamics of the fields are governed by the interactions obtained from the spectral action principle, which is based on using a function of the Dirac operator defining the metric of the noncommutative space... 
The lesson we learned from this analysis is that we have to take all the fields of the noncommutative spectral model seriously, without making assumptions not backed up by valid analysis, especially because of the almost uniqueness of the Standard Model in the noncommutative setting. In this respect this should motivate us to address the remaining questions in the noncommutative Standard Model. In particular it is important to resolve the issue of providing a way to make the three gauge couplings meet at some unification scale.
Ali H. Chamseddine, Alain Connes Resilience of the Spectral Standard Model (août 2012)

A realistic Higgs mass estimate of 126 GeV was obtained by Shaposhnikov and Wetterich ... , based on a renormalization group analysis ... In this setting, the renormalization group equations (RGE) for the matter sector acquire correction terms coming from the gravitational parameters ... These ... terms ... make the matter couplings asymptotically free ... 
We discuss the implications of using this RGE flow on the particle physics models based on the spectral action functional. In particular, one can obtain in this way a realistic Higgs mass estimate without introducing any additional [singlet scalar field] content to the model ... but the fact that the RGE with anomalous dimensions lead to a "Gaussian matter fixed point" at high energies requires a reinterpretation of the geometric constraints at unification energy imposed by the geometry of the spectral action models ... 

Un groupe de Galois cosmique pour mieux comprendre la renormalisation des théories quantiques des champs physiques

... en science, il faut trouver de temps a autre un mot qui frappe. Ren é Thom avait invent é le mot \catastrophe", Mandelbrot avait invent é le mot fractal", Alain Connes a cr éé la g éom étrie non commutative", etc. Ce sont des mots qui expriment non n écessairement une d éfinition tr ès pr écise, mais en tout cas un programme de recherche qui vaut la peine d'être poursuivi. Alors, qu'est le groupe de Galois cosmique ? Justement, ce qui m'a permis de formuler cette notion est que j'ai suivi de pr ès tout au long de ma carri ère les d éveloppements en physique math ématique. Ce qui m'a frapp é est qu'Alain Connes et [Dirk] Kreimer ont reformul é de mani ère totalement nouvelle le probl ème de ce que l'on appelle la renormalisation en physique ... grâce à l'introduction d'un groupe nouveau qui se d écrit directement en termes de ... diagrammes [de Feynman]... 
D'un autre côt é, il y a un certain nombre de travaux auxquels j'ai collabor é, en math ématiques proprement dites, o ù l'on s'int éresse a des s éries et à des int égrales qui repr ésentent des nombres g én éralisant les puissances de pi ou les valeurs de la fonction zêta de Riemann. Il est utile d' étudier les relations entre ces nombres, qui étaient implicites ... dans le travail de Drinfeld ... On peut formuler ces propri ét és en introduisant un autre groupe, un groupe de sym étrie, qui correspond à peu pr ès à ce que Grothendieck avait appel é le groupe de Galois motivique. ...   
Quand on fait des calculs explicites des int égrales li ées aux diagrammes de Feynman, les constantes que l'on trouve sont du même type que celles que l'on étudie en th éorie des nombres. Alors, je me suis dit : "Il y a un groupe" et cela m'a conduit a une interpr étation du groupe d'Alain Connes et Kreimer comme un groupe de sym étrie qui porte sur les constantes fondamentales de la physique. Dans le mod èle standard des particules él émentaires, il y a une vingtaine de constantes, dont la seule d étermination connue est exp érimentale : on a un tableau de vingt nombres avec une plus ou moins grande pr écision pour faire coi ncider les pr édictions des mod èles avec les observations. Ce sont des constantes dont on n'a pas d'explication math ématique, que l'on ajuste simplement pour que cela colle avec les r ésultats exp érimentaux. Je pense que ce groupe-la exprime des sym étries d'un type nouveau entre ces constantes fondamentales de la physique. On n'a pas encore [*] étudi é les implications cosmologiques des id ées de Connes et Kreimer, mais il y en a certainement. Il est possible que l'histoire de notre univers d epende de mani ere tr es pr ecise de valeurs num ériques comme le rapport entre les masses des quarks. Mon rêve est une fusion compl ète entre les id ées de Connes-Kreimer et le groupe de Galois motivique de Grothendieck, Drinfeld ..., mais pour l'instant ce n'est qu'un programme de recherche.
 Interview de Pierre Cartier, men ée le 23 f evrier (2009), par Javier Fres an 

 //* la "cosmologie non-commutative" au sens où l'entend Cartier est aujourd'hui en développement grâce en particulier à Mathilde Marcolli et Mairi Sakellariadou ]

Après avoir courbé l'espace faut-il maintenant le flouter, le tordre, le faire mousser, rajouter des dimensions, le dédoubler ... pour mieux comprendre les anomalies et les ambiguïtés de nature Galoisiennes qui se cachent derrière les infinis de la TQC ?
Internet est rempli d'idées merveilleuses sur cette question. Mais un blog(ueur comme moi) est (d'esprit) trop étroit pour les citer toutes (et reconnaître les plus pertinentes).
                                      // une pirouette pour finir ce billet en forme de clin d'oeil à une citation célèbre...
            


mercredi 21 novembre 2012

Le physicien (ne) peut (pas) se passer du mathématicien (pour dériver le réel à partir des possibles imaginaires)

Néologisme à défaut d'anagramme
S i s y p h (i) e (n) = [physicien] sans {mathématicien} (et inversement?) 
Ce que ni ATLAS, ni CMS ni LHCb ne sont parvenus à trouver au LHC (pour le moment...)
Ce billet fait suite au précédent qui évoquait la situation de « crise » actuelle de la physique théorique des particules qui ne parvient pas à valider expérimentalement le paradigme hypothétique de la supersymétrie, lequel a été souvent présenté depuis la fin des années soixante-dix comme le plus prometteur pour prédire la physique au-delà du modèle standard (ce dernier ayant été achevé théoriquement dans la première moitié de cette même décennie). 
Il fait aussi écho au débat qui a agité récemment la blogosphère scientifique suite à l’annonce par la collaboration internationale LHCb d’une nouvelle percée expérimentale (après la découverte d’un boson de Higgs par les collaborations ATLAS et CMS) : la première détection de désintégrations rarissimes de mésons Bs en deux muons. Le taux de désintégrations ainsi le plus petit jamais mesuré est en accord avec les prédictions du Modèle Standard or « les théoriciennes et théoriciens qui sont convaincus qu'il existe une théorie plus complète » et qui cherchent à la mettre en évidence fondent beaucoup d’espoir sur de telles expériences … il y a donc de quoi être déçu d’autant que pour reprendre les mots de Pauline Gagnon sur le blog Quantum Diaries
« Ce nouveau résultat semble indiquer que la nouvelle physique sera plus difficile à révéler qu’on ne l’espérait. En attendant, cela permettra aux théoriciennes et théoriciens d’éliminer les nouveaux modèles inadéquats, ce qui finira éventuellement par les orienter dans la bonne direction. Entre temps, les expérimentateurs et expérimentatrices devront élaborer des techniques plus raffinées pour enfin mettre le doigt sur cette nouvelle physique. »
Le débat, qui n’est certes pas nouveau, entre défenseurs du paradigme supersymétrique et sceptiques sur son intérêt pour la physique des particules, a connu un regain qu'on a pu suivre à travers les blogs référencés par interactions.org. Il m’a semblé que le physicien Matt Strassler y jouait un rôle de commentateur voire d’arbitre, sinon impartial du moins intéressant par son argumentation physique et son soucis pédagogique qui caractérise son blog Of Particular Significance. Il y écrit en particulier ceci :
LHC data (and data from other sources) have ruled out a lot of variants of TeV-scale supersymmetry. But no, we’re not yet close to ruling out the full range of variants... 
Please note that I’m not telling you this because I’m some devotee of supersymmetry who believes deeply in his heart that we’ll someday find it, and is trying to persuade you not to give up... long, painful slog lies ahead, during which particle physicists — theorists and experimentalists — will painstakingly cover all the possible variants of supersymmetry, and slowly but surely determine whether or not supersymmetry is absent at the TeV scale
Les données du LHC (et des données provenant d'autres sources) ont exclu un grand nombre de variantes de la supersymétrie à l'échelle du TeV. Mais non, nous ne sommes pas encore près de statuer sur toute la gamme des variantes ...  S'il vous plaît notez que je ne vous dis pas cela parce que je suis un adepte de la supersymétrie qui croit profondément dans son cœur que nous allons un jour la trouver, et essaie de vous convaincre de ne pas abandonner ... Une longue et douloureuse corvée nous attend, au cours de laquelle les physiciens des particules - théoriciens et expérimentateurs - passeront soigneusement en revue toutes les variantes possibles de supersymétrie, et lentement mais sûrement ils détermineront si oui ou non la supersymétrie est absente à l'échelle du TeV.
Bref, la tache du physicien ressemble fort à celle d'un Sisyphe moderne.

Qui dit audace ne dit pas forcément spéculation 
\\complété le mardi 4/12/12
Et si, plutôt que de se focaliser sur le débat autour de théoriciens qui poursuivent des spéculations que d'aucuns jugent peu étayées physiquement, on s'intéressait davantage à des mathématiciens prenant au sérieux les solutions des physiciens et des physiciens écoutant ce que les mathématiciens ont à leur dire sur leurs équations communes. Cette démarche combinée semble parfois former comme l'alambic d'une patiente distillation, celle par exemple :
distillation opérée en particulier par un mathématicien obstiné (voir billet précédent) accompagné d'autres pionniers comme ici ou qui tracent leurs chemins presque parallèles au sien.
Si ce n'est pas de l'audace, c'est au moins du courage qu'il faudra aux futurs physiciens pour investir et cultiver à leur profit le champ mathématique sauvagement abstrait dans lequel poussent pour le moment les fruits du modèle spectral sur un espace presque commutatif; la promesse de futures vendanges plus abondantes pour leur discipline est peut-être à ce prix.
Mais la véritable audace, elle est à mon avis dans le pas qu'il faut franchir pour dépasser nos intuitions spatiales et temporelles présentes, celles issues de nos interactions passées avec un environnement classique à travers la médiation de nos sens et de nos outils ordinaires d'autrefois. Il faut maintenant habiter pleinement le nouveau monde plus subtil qui s'offre à nous à travers des nouvelles technologies littéralement quantastiques et qui nous révèlent une nature quantordinaire insoupçonnée.
C'est dans cet esprit que la démarche d'Alain Connes, ce mathématicien fasciné par les découvertes des physiciens quantiques, est passionnante car j'y vois, outre ses succès jugés encore trop formels dans un passé récent (et ses prises de positions trop franches), un approfondissement non seulement mathématique mais épistémologique de la physique quantique de la seconde moitié du XXème siècle, approfondissement que je ne vois pas présent dans la théorie des cordes, la M-théorie ou plus simplement la supersymétrie ;
approfondissement pourtant attendu sinon espéré depuis de longues années par un mathématicien/physicien comme Freeman Dyson (une des grandes figures de la renormalisation de l'électrodynamique quantique) dans un texte fameux. Or il est frappant de voir à quel point de nombreux aspects du travail de Connes peuvent, à travers la grille de lecture précédente, être vus comme la volonté implicite de "réparer"  certaines des opportunités manquées signalées par Dyson.


Comment la théorie quantique des champs fut sauvée dans les années 70?
Quoi de mieux pour méditer sur les crises passées de la physique des particules et leurs résolutions qu’une lecture croisée de deux textes décrivant les réflexions de deux grands physiciens qui furent au cœur des évènements dans ces fameuses années soixante-dix ? Commençons par le principal artisan de la démonstration effective de la renormalisabilité du Modèle Standard : Gerard 't Hooft : 


Et, dans un soucis de réhabilitation historique pour mieux faire connaître les héros parfois trop méconnus de la physique quantique derrière le rideau de fer ou par simple soucis esthétique de donner à voir une symétrie Est/Ouest autrefois manifeste (aujourd'hui quelque peu brisée ou cachée) dans l'élaboration de la physique et des mathématiques, je signale ce texte, beaucoup plus autobiographique que le précédent  : 


écrit par Alexander Markovich Polyakov, "le meilleur physicien qu'il m'ait été donné de rencontrer" selon une formule entendue dans la bouche de Thibault Damour en novembre 1996 pendant un séminaire alors que j'étais étudiant. Polyakov y décrit ses premiers travaux des années 60 aux années 70 alors qu'il était encore en Russie (il vit aujourd'hui aux Etats-Unis), comment il brava pour ainsi dire l'interdit du légendaire Landau en travaillant sur la théorie quantique des champs, découvrant pour ainsi dire le mécanisme de Higgs avec Alexander Migdal. En 1974 il découvre au même moment que 't Hooft des "monopôles magnétiques non abéliens" qui porteront désormais leurs noms; il s'agit de solutions complètement inattendues aux équations de Yang-Mills Higgs qui permettent d'établir une sorte de dualité entre électricité et magnétisme, dualité qui servira plus tard à la compréhension du phénomène de confinement des quarks en chromodynamique quantique, avant d'être considérablement généralisée par Edward Witten et d'autres pour devenir une des pièces centrales de la théorie des supercordes et des branes et connaître de formidables développements effectifs en mathématiques et spéculatifs (jusqu'à ce jour) en physique comme le raconte très bien Daniel Bennequin dans un riche article intitulé : Dualités de champs et de cordes.
\\ Suite et fin de la réflexion au billet prochain

mardi 13 novembre 2012

La physique théorique (des particules) est en crise ? Sauvons-la par plus d'audace !

Crise = > danger 
Le physicien américain d'origine lettone Mikhail Shifman a récemment écrit un texte dans lequel il commente les résultats d'une grande conférence de physique des particules, la 3ème manifestation de Frontières au delà du Modèle Standard qui s'est tenue au FTPI en octobre 2012. Il y brosse une intéressante perspective historique de la situation de la physique théorique des hautes énergies sur les quarante dernières années (pour un petit rappel succinct de la situation expérimentale sur les cent dernières années voir par exemple ici). Il affirme en particulier : 
Experimental guidance started fading away after the November revolution of 1974 – the discovery of heavy charmonium. The role played by experiment continued to decrease steadily for quite some time, until it became almost invisible. In High Energy Physics theory this effect coincided with a transition ... into a different mode of operation ... each novel idea, once it appears, spreads in an explosive manner in the theoretical community, sucking into itself a majority of active theorists, especially young theorists. Naturally, alternative lines of thought by and large dry out. 
L'expérience comme boussole [pour s'orienter dans l'investigation théorique] a commencé à cessé de fonctionner après la révolution de Novembre 1974 - la découverte du charmonium lourd. Le rôle joué par l'expérience a continué à baisser progressivement pendant un certain temps, jusqu'à ce qu'il devienne presque invisible. En physique théorique des hautes énergies cet effet a coïncidé avec une transition ... vers un mode de fonctionnement différent ... chaque nouvelle idée, dès son apparition, se propage de manière explosive dans la communauté théorique, aspire littéralement vers elle la majorité des théoriciens actifs, en particulier les théoriciens jeunes. Naturellement les écoles de pensée alternatives se retrouvent dans l'ensemble exsangues. (traduction libre).
Il n'est pas besoin d'être un expert dans ce domaine pour voir dans cet état de fait un danger pour le bon fonctionnement de cette branche de la physique. Il poursuit plus loin :
... by mid-1980 [string theory] raised expectations for the advent of “the theory of everything” to Olympic heights. I think, by now, the “theory-of-everything-doers” are in disarray, and a less formal branch of string theory is in crisis [footnote : a more formal branch evolved to become a part of mathematics or (in certain occasions) mathematical physics].

... à partir du milieu des années 80, [la théorie des cordes] a placé la barre des attentes pour l'avènement de "la théorie du tout"à un niveau olympique. Je pense que maintenant les "faiseurs de théorie du tout" sont en plein désarroi, et la branche la moins formelle de la théorie des cordes est en crise [note de bas de page : la branche plus formelle a évolué pour devenir une partie des mathématiques ou (à certaines occasions) de la physique ma-thématique].
Le mot crise est lâché  ...

Crise - danger = opportunité de changement 
Shifman termine son portrait sur cette question :

During their careers many of them never worked on any issues beyond supersymmetry-based phenomenology or string theory. Given the crises (or, at least, huge question marks) in these two areas we currently face, there seems to be a serious problem in the community. Usually such times of uncertainty as to the direction of future research offer wide opportunities to young people, in the prime of their careers. To grab these opportunities a certain reorientation and reeducation are apparently needed. Will this happen?
Au cours de leur carrière de nombreux théoriciens n'ont jamais travaillé sur des questions qui vont au delà d'une phénoménologie basée sur la supersymétrie ou au delà de la théorie des cordes. Compte tenu des crises (ou, au moins, des énormes points d'interrogation) auxquelles nous sommes actuellement confrontés dans ces deux domaines, il semble y avoir un problème grave dans la communauté. Habituellement de tels moments d'incertitude quant-à l'orientation future de la recherche offrent de vastes possibilités pour les jeunes théoriciens dans la fleur de leur carrière. Pour saisir ces opportunités une certaine dose de réorientation et de rééducation seront apparemment nécessaires. Est-ce que cela se produira ?
Peut-être, du moins si on tire les conclusions (forcément provisoires) qui s'imposent des résultats expérimentaux récents du LHC, par exemple ici et , et à condition que l'on élargisse le spectre des horizons théoriques en se penchant à nouveau courageusement sur les développements les plus récents des théories alternatives ...

(Pour surmonter la crise) il nous faut de l'audace, encore de l'audace, toujours de l'audace, et la ... Physique (la supersymétrie aussi) est (peut-être) sauvée !
Et s'il existait un autre modèle théorique, largement indépendant de l'hypothèse supersymétrique chère à la théorie des cordes, un modèle qui aille au delà du modèle standard mais qui soit capable de reproduire les prédictions de ce dernier avec une bonne précision, d'en expliquer conceptuellement plusieurs aspects importants, un modèle qui ne prédirait qu'un seul boson de Higgs cohérent avec les résultats obtenus jusqu'à présent sur la particule récemment découverte au LHC (en particulier sa masse), un modèle en accord aussi avec les résultats de la physique des astroparticules, prédisant l'existence d'un neutrino droit de Majorana et d'un mécanisme de bascule associé pour expliquer la petitesse de la masse des neutrinos gauches et leurs oscillations de saveurs ?
Et si contrairement à ce qu'on lisait encore souvent il y a dix ans :
les théories de cordes effectives [n'étaient pas], les seules théories offrant l'espoir d'une description unifiée des interactions gravitationnelles avec les autres forces fondamentales [?]
(\\ c'est moi qui ajoute le texte entre [...])
Il existe en effet un autre modèle qui, par son point de vue spectral et non-commutatif, s'efforce depuis plus de vingt ans de réaliser pas à pas l'unification effective de la mécanique quantique qui gouverne le monde microscopique avec la relativité générale qui domine le macroscosme, un modèle dont les bases mathématiques sont suffisamment solides pour relever et réussir le paris fou (ou simplement audacieux) de construire une échelle de Jacob s'étendant sur environ seize ordres de grandeurs : du domaine d'énergie associé à la brisure de la symétrie électrofaible jusqu'au domaine de l'énergie de Planck (où le concept même de symétrie ou au moins d'espace-temps semble se dissoudre dans l'inconnu) ...  un modèle enfin qui, à travers la dynamique désormais combinée de deux champs scalaires fondamentaux appelés Higgs et sigma, pourrait peut-être expliquer l'hypothétique phase inflationnaire du modèle standard de la cosmologie, voire une partie de la possible masse manquante? 
Reste à étudier, à essayer de comprendre, à s'inspirer, à enrichir, à approfondir et à donner plus de chair à ce modèle spectral de la physique ! Il y a bon espoir qu'il prenne désormais vie à part entière dans le champ de la physique phénoménologique (et pas seulement mathématique) des particules, Walter D. van Suijlekom et ses collaborateurs par exemple y travaillent dur, en particulier dans ce tout nouvel article où il est aussi  question ... de supersymétrie!






mardi 16 octobre 2012

La molécule, le chat et le chuteur

Peut-on populariser de la physique de haute volée ... sans se casser la figure?
La fête de la science s'est achevée ce dimanche sur un exploit sportif et technique retentissant commenté par exemple sur ce blog là. Tentons à cette occasion un petit exercice de vulgarisation de voltige (c'est-à-dire "casse-gueule") à savoir : établir un lien entre la vrille transsonique de Baumgartner, la chute libre d'un chat et les modes de déformation d'une molécule. On propose ainsi au lecteur de passer en revue (à grande vitesse) quelques théories physiques de haute volée. C'est parti!

Comment un chuteur libre sort d'une vrille transsonique ... 

sans forcément avoir à connaître la théorie complexe des instabilités des écoulements au voisinage de la vitesse du son (lesquelles sont à l'origine de sa vrille) mais en imitant peut-être ...

Le chat qui retombe sur ses pattes 


L'animal si cher aux physiciens (qui adorent le taquiner) ignore probablement que la compréhension physique de son mouvement passe par une application inattendue d'une théorie de jauge sophistiquée (voir l'exercice  10 p24 de cette introduction à la géométrie et la topologie pour la physique en français, rédigée par Frédéric Faure). Cette théorie est issue de travaux initiés par deux physiciens et un mathématicien, ce dernier travaillant sur l'analyse spectroscopique des...

Vibrations et rotation d'une molécule 

Il s'agit ici d'une animation des modes de déformation d'une molécule d'eau que la spectroscopie infrarouge permet d'analyser en détail.

samedi 13 octobre 2012

Quantordinaire et quantastique ou la science (ré)créative


 Phénomène quantordinaire (amusant)
   
Une grenouille en lévitation par diamagétisme faible
 dans un champ magnétique intense et fortement non-uniforme


Phénomène quantastique (étonnant)
Deux supraconducteurs à haute température critique en lévitation par diamagnétisme parfait
(expériences présentées par Tristan Cren de l'Institut des Nanosciences de Paris,
 à l'occasion de la Fête de la science 2012 à l'université Pierre et Marie Curie)
source: laboussoleestmonpays

La lévitation magnétique : exemples d'articles à ... méditer?
Une application technologique très sérieuse de lévitation par diamagnétisme faible pour la microfluidique.
Un article de l'Union des Professeurs de Physique et Chimie (UdPPC) sur la lévitation magnétique.
L'un des derniers projet futuriste de train rapide à sustentation magnétique (un maglev sous vide) ... en Suisse!
Un article technique en anglais du grand physicien mathématicien Michael Berry (il partagea l'IgNobel avec Andre Geim) qui décrit le principe subtil du piégeage adiabatique, bien utile pour mettre en cage des particules neutres grâce à l'interaction de leur spin avec un champ magnétique non-uniforme.
De la science amusante à la science plus sérieuse ou de L'IgNobel au Nobel
Pour finir signalons au lecteur que si l'expérience de la grenouille volante a valu à son auteur Andre Geim,  un chercheur russe autrefois à l'université de Nijmegen et aujourd'hui à celle de Manchester, de gagner le loufoque prix IgNobel, elle ne l'a pas empêché de s'adonner à d'autres expériences plus sérieuses sur le graphène (un matériau prometteur de l'ingénierie quantique), expériences qui lui ont permis de remporter le prix Nobel de physique 2010 conjointement avec Konstantin Novoselov (voir ce billet de Jonathan Parienté tiré du blog des sciences du journal Le Monde).

jeudi 11 octobre 2012

L'ingénierie quantique n'en est qu'à ses débuts

Pour le lecteur curieux qui veut avoir une idée de ce que le mot ingénierie quantique (employé dans le billet précédent) pourrait vouloir dire ou du moins l'image que s'en fait un scientifique doté d'une authentique vision tel que Franck Wilzcek (prix Nobel 2004), je recommande cette vidéo en anglais  intitulée (traduction) Quanta, symétrie et topologie:


                                        


Pour les plus courageux, en guise d'approfondissement, je signale ce texte, technique mais très inspirant, du même Wilzcek, sur le sujet des matériaux quantiques artificiels qu'auront pour tâches de créer les ingénieurs quantiques de demain.

Dès aujourd'hui les enthousiastes de la science expérimentale de pointe, bricoleurs (relativement fortunés ...) et futurs Archimèdes, peuvent commencer à explorer les joies de la quantique à la maison en suivant  les traces du formidable travail de la famille Prutchi, père et fille, sur leur site www.diyphysics.com ou à travers leur livre : Exploring Quantum physicis through Hands-on Projects.

mercredi 10 octobre 2012

Ne pas confondre : quanticien et quant, roi-dragon et cygne noir, indéterminisme et imprédictibilité

Vous pouvez comprendre ça? 
Maintenant que Serge Haroche et David J. Wineland ont ouvert la voie à la manipulation d'objets quantiques individuels, il ne reste plus qu'à attendre quelques progrès supplémentaires en ingénierie quantique pour passer des objets microscopiques contrôlables aujourd'hui (ions, atomes et photons) aux objets macroscopiques demain. A terme le concept de chat de Schrödinger sera peut-être aussi familier que celui d'électron libre! Je peux donc dès aujourd'hui écrire l'expression suivante : 

|quanticien> = |magicien de la physique quantique expérimentale> + |maestro de la théorie quantique>, 

avec l'espoir d'être compris bientôt du plus grand nombre. J'aimerais maintenant soumettre à la réflexion du lecteur la proposition suivante :

|quant> = |analyste quantitatif spécialiste de mathématiques financières> + |étudiant défroqué de quantique>.

L'idée de cette expression m'est venue du vague souvenir d'un article de Philip Anderson sur la fuite des cerveaux des universités américaines vers des sociétés de consultants en management ou des compagnies  financières. La fée Internet me l'a retrouvé. Je ne résiste pas au plaisir de donner (après traduction) un extrait d'une lettre d'étudiant en post-doctorat citée par Anderson et qui s'adresse à un recruteur en ces termes :

Il y a plusieurs raisons pour vouloir quitter le milieu universitaire : l'une d'elle, ce n'est pas la moindre, est le désir d'un environnement de travail qui ... récompense ceux qui prennent des risques appropriés ... les questions scientifiques qui m'ont attiré ... sont reliées à des données du monde réel pour lesquelles il n'existe pas ... de modèle théorique. L'engagement dans ce genre de problématiques ... requiert le désir de relever de nouveaux défis, l'appétit pour le risque, et la capacité d'innover tout en restant humble ... face ... aux données.

Pour sûr! Alors vous êtes sur la bonne voie pour saisir ce qu'est une superposition quantique ... 
... ou du moins avez-vous maintenant une idée de la raison pour laquelle il n'est pas aisé de se faire expliquer toutes les causes de  la crise économique actuelle si les principaux acteurs sont ou ont été spécialistes ou amateurs de quantique!
Et maintenant des deux superpositions quantiques précédentes laquelle modélise le mieux un chat de Schrödinger et un chat du Cheshire? Si vous n'arrivez pas à répondre à cette question ou si vous ne l'aimez pas car cela ressemble trop à de la pataphiloquantique, ou encore si vous préférez les problèmes plus carrés et sérieux, alors ... lisez la suite.

Le chat quantique du Cheshire : un chat de Schrödinger au carré en matière de bizarrerie 
On a évoqué rapidement hier quelques animaux "mythiques" à propos d'articles de recherche traitant de quantique. Je profite de ce billet aujourd'hui pour signaler au lecteur désireux de lire un article de vulgarisation sur le dernier chat à la mode chez les quanticiens ce billet en anglais tiré du blog de la revue de référence Scientific American. Il y est expliqué en quoi le chat quantique du Cheshire, qui s'observe aujourd'hui expérimentalement en laboratoire, est encore plus bizarre que le chat de Schrödinger.
Passons maintenant à d'autres drôles d'emblèmes et de zèbres.

Roi-Dragon versus Cygne Noir : ou l'éconophysicien face au mathématicien financier 
A ma connaissance le terme roi-dragon (dragon-king), s'il a pu apparaître dans le contexte quantique, est avant tout un concept inspiré de la physique statistique des systèmes complexes forgé par Didier Sornette (qui s'est spécialisé dans l'analyse des évènements extrêmes en économie) pour contrer me semble-t-il l'idée de cygne noir développée elle par Nassim Taleb (titulaire d'une thèse en finance d'une université française devenue temple des mathématiques financières mondiales). Il déclare ainsi dans une interview au Temps:

"Il n’y a pas de cygne noir. Les évènements tels que les crises financières sont au contraire tout à fait prévisibles, ainsi qu’en témoignent les découvertes des sciences naturelles et le concept de fracture en ingénierie."

Pour résumer : le physicien de formation, aujourd'hui professeur de risque entrepreneurial à Zurich, affirme avoir les outils pour prévoir les crises tandis que le mathématicien financier de formation, aujourd'hui  épistémologue des probabilités insiste au contraire sur leur caractère intrinsèquement imprévisibles. Je laisse au lecteur le soin de décider qui, des deux protagonistes, est le plus sage et qui est le plus mégalo ... 

De la finance classique à la Phynance moderne 
Il y a un célèbre proverbe brésilien qui dit :  


Cada macaco no seu galho 
Chaque singe sur sa branche.

J'en ferrais volontiers ma devise de blogueur (elle sonne pour moi à la fois comme un avertissement et une permission de prendre la parole ... face aux autres). En ce qui concerne la problématique économique du paragraphe précédent c'est un grand débat à suivre j'imagine ... dans lequel le physicien n'est probablement pas moins ni plus légitime que le mathématicien.
Je voudrais seulement souligner que, si la finance classique doit énormément au calcul des probabilités, la finance moderne doit beaucoup à la théorie mathématique des jeux, fondée dans sa version moderne par un certain John von Neumann, qui se trouve aussi être l'un des pères du formalisme quantique. Elle doit  également un lourd tribu à la physique à travers le calcul stochastique dérivé de la modélisation du mouvement Brownien et qui permet de décrire ce que l'on appelle aujourd'hui justement la physique des marchés. Elle est enfin une grande consommatrice des applications de la mécanique quantique : à travers les transistors qui règlent le balais des électrons dans les ordinateurs et les diodes lasers qui inondent de leurs photons les réseaux de télécommunication par fibre optique. Je pourrais même parler de la cryptographie quantique que d'astucieux physiciens veulent vendre à la banque d'Angleterre ou ont déjà vendu à de fortunés clients.

Ce que nous apprend vraiment la physique moderne 
C'est, pour reprendre le titre d'un article de Thierry Paul qu'il faut lire,

(l')indetérminisme quantique et (l')imprédictibilité classique.



Note finale : l'histoire aussi peut-être nous apprend des choses ...
... je n'ai pas encore donné la date de l'article d'Anderson : c'était en 1999! Je commençais alors une thèse, c'était aussi et surtout la grande époque de la bulle Internet ... qui explosa en 2001, l'un de mes voisins de bureau, qui rêvait de devenir consultant dans une compagnie comme Andersen, vit avec effroi celle-ci  s'effondrer en 2002, suite au scandale Enron. Pendant ce temps là, un jeune ingénieur frais émoulu des Ponts et chaussées  suivait le chant sophistiqué des sirènes mathématico-financières, entre Paris, Londres et Hong-Kong il découvrait les joies du trading, pour "gagner plus" comme on le disait facilement en 2007. Qu'a-t-il pensé alors du crack de 2008 ? L'avait-il prévu, anticipé, avait-il couvert le risque pour lui, son employeur, ses clients, ses amis, ses concitoyens, ses contemporains ... son prochain? 


mardi 9 octobre 2012

Le plus beau sourire de physicien quantique ...

... qu'il m'ait été donné de voir se dessine magnifiquement sur le visage iconique de Stephen Hawking, dans les dernières secondes de cette vidéo (tournée par la BBC le 4 juillet dernier), lorsqu'il raconte comment il a perdu 100$ à l'occasion d'un pari sur la découverte de la particule que vous devinerez sûrement même si son nom n'a pas été prononcé aujourd'hui à Stockholm ...

source BBC

Heureux les hommes et femmes, telleFreeman Dyson et Jocelyn Bell Burnell, qui savent qu'ils n'auront probablement jamais le prix Nobel ! 

Patience, courage, ténacité et sérénité à tou(te)s les autres qui attendent peut-être ...

Yes We Quan ! Donner à voir le chat de Schrödinger et le sourire de celui du Cheshire ...

Rendre possible le Quantastique pour révéler la beauté du Quantordinaire
Or donc deux physiciens ont été récompensés ce jour pour avoir développé des techniques qui permettent de manipuler des objets quantiques individuels. Je rangerais volontier ces objets créés par l'homme dans une nouvelle catégorie du réel: le Quantastique (*). Quant-au Quantordinaire il désignerait pour moi toute la matière ordinaire, celle qui se révelle naturellement à nous par les cinq sens mais dont notre intelligence (notre seul et unique super-pouvoir) nous fait comprendre le caractère impénétrable (et stable) uniquement par le miracle de la physique quantique.

Le sourire du chat quantique du Cheshire ...
Dans mes souvenirs d'étudiant Serge Haroche n'est pas un professeur excessivement souriant ... mais, sans avoir eu le temps encore de voir des images de sa première déclaration publique, je suis sûr que son sourire est bien là, intérieur ou ailleurs, un peu à la manière du chat du (conté de) Cheshire ... celui qu'imagina Lewis Caroll et qui inspira sûrement Erwin Schrödinger pour son expérience de pensée célèbre ... celle-là même que notre désormais prix Nobel national, secondé par une brillante équipe, rendit concrète en réalisant le tour de force de créer et observer d'authentiques chats de Schrödinger !

Voici une vidéo d'une conférence publique de Serge Haroche sur la mécanique quantique (et ses chats...) présentée dans le cadre de l'Université de tous les Savoirs en juillet 2000.


Morceaux choisis du bestiaire (du pays) des Merveilles Quantiques
Voici à titre d'exemples facétieux quelques articles scientifiques sérieux (**) et récents, extraits de la base de données arxiv.org.

Commençons par les chats:
Hunting for the Quantum Cheshire Cat, Antonio Di Lorenzo
The Complete Quantum Cheshire Cat, Yelena Guryanova, Nicolas Brunner, Sandu Popescu
Twin Quantum Cheshire Cats, Issam Ibnouhsein, Alexei Grinbaum
Quantum Cheshire Cats, Yakir Aharonov, Sandu Popescu, Paul Skrzypczyk
The Cheshire Cat Principle from Holography, Holger Bech Nielsen, Ismail Zahed
The Cheshire Cat Hadrons Revisited, Mannque Rho
The Higgs field as the Cheshire cat and his Yang-Mills "smiles", L.D. Lantsman, V.N. Pervushin.

Continuons avec les dragons:
Statistical Outliers and Dragon-Kings as Bose-Condensed Droplets, V. I. Yukalov, D. Sornette
Simulation of Reactors for Antineutrino Experiments Using DRAGON, L. Winslow
DRAGON: Monte Carlo generator of particle production from a fragmented fireball in ultrarelativistic nuclear collisions, Boris Tomasik
Quantum gravity as Escher's dragon, A.V. Smilga

& terminons avec la licorne !
Hairs on the Unicorn: Fine Structure of Monopoles and Other SolitonsAlfred S. Goldhaber


Une pate finale de formalisme quantique illustré


le chat de Schrödinger / Schrödinger's cat
(superposition quantique d'un chat vivant et mort)



le chat quantique du Cheshire / Quantum Cheshire Cat 
(superposition d'un chat et de son sourire?)


Remarques:
(*) après une brève recherche par Internet il semblerait que j'emprunte ce néologisme en français à Jean Perdijon dans un livre intitulé Einstein, la relativité et les quanta.
(**) on reviendra un autre jour sur le sens de cet adjectif dans la science (post)moderne ...



Demain c'est la fête de la Science en France à moins que cela ne commence dès aujourd'hui ...

Il est H-1 chers passionné(e)s de physique!
Dans moins d'une heure nous saurons quelles découvertes ou avancées majeures auront retenu l'attention du jury du prix Nobel de physique 2012. Est ce que la date de la récompense comparée à la date de la découverte battra un nouveau record? Dans le cas de la particule dont tout le monde connait désormais le nom (pourrait-elle devenir aussi célèbre que la formule d'Einstein?) il y aurait comme un higgs pardon, un hic car la date de dépôt des nominations est le 1er février or l'annonce prudente du CERN à propos de la dite particule n'a été faite ... que le 4 juillet! Alors est-il raisonnable d'aller plus vite que nécessaire? Réponse dans quelques minutes... ici.


"The wonderful thing about science is that it's alive" 

Ce qu'il y a de merveilleux avec la science c'est qu'elle est vivante


Richard Feynman

Il est H0: félicitations docteurs Haroche et Wineland!
Alfred Kastler (Nobel 1966), Claude Cohen-Tannoudji (Nobel 1997) et maintenant Serge Haroche (Nobel 2012) ... quel extraordinaire passage de relais, rue Lhomond à Paris où se trouve le Laboratoire Kastler Brossel!

Entre complexité et implexité 
La Quantique ne laisse décidément de fasciner les Hommes ... mais en laisse aussi beaucoup perplexes et pas des moindres

Combien de possibles bosons de Higgs nous contemplent vraiment depuis ces peta-octets de données analysées?

Si l'on en croit ce billet en français, signé Pauline Gagnon et tiré du toujours excellent blog scientifique Quantum Diaries, les physiciens en auraient détecter quelques centaines (à la mi 2012) ...


"Voici la distribution selon la masse des 59059 événements sélectionnés par ATLAS dans le canal à deux photons. Le petit excès à 126.5 GeV contient 170 évènements pouvant venir de bosons de Higgs. La courbe sous dessous représente ce qu’il reste une fois qu’on a soustrait le bruit de fond approximé par la courbe en rouge sur le graphe du haut et rendant le petit excès plus visible."

Si l'on a la chance d'être abonné à la revue Reflets de la physique, édité par la SFP (Société Française de Physique) on apprend à la lecture d'une note d'un article de Lucia di Ciaccio et Gauthier Hamel de Monchenault (Découverte du boson de Higgs au LHC? 31 (2012) 17-19) que les physiciens en auraient  produit davantage: quelques centaines de milliers ...

"Parmi le million de milliard de collisions inélastiques proton-proton à 7 ou 8 TeV qui se sont produites au coeur des détecteurs ATLAS et CMS au rythme de 600 millions par seconde, seulement 200 000 bosons de Higgs de masse égale à 126 GeV auraient été créés. Ces bosons se désintègrent instantanément, dans la grande majorité des cas selon des modes impossibles à distinguer des bruits de fond, et qui souvent ne déclenchent même pas l'enregistrement de l'évènement ..."

Ajout du 16 décembre 2012
Constatant que ce billet est l'un des plus lus sur ce blog j'en profite pour le compléter en renvoyant le lecteur désireux d'avoir d'autres informations quantitatives sur la physique explorée au LHC et sur le Higgs en particulier (mais sans formalisme mathématique avancé) vers cette présentation simple et claire issue d'une conférence Népal .
Extrait de la conférence Népal : "Qu'est ce que la masse : le projet LHC"


Remarque : Népal est un acronyme pour Noyaux et Particules au Lycée, conférences que les chercheurs et ingénieurs en physique nucléaire ou en physique des particules de l'IN2P3/CNRS et de l'Irfu/CEA donnent gratuitement dans les lycées français à la demande des professeurs en soutien avec l'UdPPC (Union des Professeurs de Physique et de Chimie).

samedi 6 octobre 2012

(le) Boson scalaire et les sept théoriciens (A)BEHHGK

Mécanisme de Anderson-Higgs ou mécanisme BEHHGK ?
Pour en savoir plus sur l'histoire de la naissance du champ de Higgs et de son boson dans les têtes de quelques théoriciens au début des années 60, on peut lire cet article de presse (publié juste après l'annonce de sa probable mise en évidence expérimentale cette année). Si l'on veut approfondir la question d'un point de vue scientifique on lira avec intérêt ce billet de Vixra Log qui propose en particulier une chronologie fouillée du sujet qui démarre en 1928 avec le travail de Heisenberg sur la description du ferromagnétisme comme brisure spontanée de symétrie et s'achève en 1976 avec le premier article expliquant précisément comment observer avec un accélérateur de particules le boson de Higgs (le premier auteur est John Ellis). Si l'on veut en savoir plus encore sur les protagonistes et les enjeux de paternité des idées théoriques il faut lire ce billet de Peter Woit sur son blog Not Even Wrong. Le lecteur y sentira peut-être les nuances qui existent entre communautés de physiciens (physique du solide et physique des particules) sur les critères de reconnaissance  de la valeur (ou d'exigence) pour un travail scientifique; il découvrira ainsi les raisons pour lesquelles le  nom de Philip Anderson ne restera peut-être pas attaché à ce mécanisme. 

Do you like name dropping (or betting)? 
A propos BEHHGK est l'acronyme deBrout, Englert, Higgs, Hagen, Guralnik, Kibble (l'ordre n'est pas alphabétique mais respecte en gros la chronologie des publications scientifiques sur le sujet semble-t-il).
Pour terminer le petit-jeu des prédictions abordé dans le billet précédent je me permets de citer ce dernier sondage effectué auprès d'internautes sur le blog scientifique de Vixra à qui il a été demandé de choisir "un troisième homme" dans l'hypothèse où Higgs et Englert auraient le prix  .

Tom Kibble 21.69% (41 votes) 
Pas de troisième lauréat 16.93% (32 votes) 
Lyn Evans 16.4% (31 votes) // l'un des pères du LHC pourrait-on dire
Rolf Heuer 8.99% (17 votes) // le directeur actuel du CERN
Phil Anderson 7.41% (14 votes)
Jeffrey Goldstone 5.82% (11 votes)
// un théoricien dont le travail est en partie à l'origine du mécanisme (A)BEHHGK.
John Ellis 5.29% (10 votes) // l'un des théoriciens phénoménologistes  les plus respectés du CERN
Gerald Guralnik 3.7% (7 votes)
Carl Hagen 3.7% (7 votes)

Alexander Polyakov 3.17% (6 votes) // un grand théoricien à l'origine de la "version russe" du mécanisme de Higgs ...
Gordy Kane 2.65% (5 votes) // un des grands phénoménologues de la physique des particules de l'autre côté de l'Atlantique.
Autres: 4.23% (8 votes) 

Enfin si vous voulez gagnez de l'argent en pariant c'est (peut-être) encore possible, voici des cotes tirées d'un site de bookmakers

Higgs/Englert Only 3.00
Prize not award for Higgs boson-related work 5.00
Any Other Higgs boson-related combination 6.00
Higgs Only 7.00
Higgs/Englert/Goldstone Only 8.00
Higgs/Englert/Kibble Only 9.00
Higgs/Englert/Guralnik Only 17.00
Higgs/Englert/Hagen Only 17.00
Higgs/Englert/Ellis 26.00
Higgs/Englert/Anderson Only 51.00


Prof et Grincheux ...
Comme on le voit Philip Anderson n'a pas la cote non plus chez les parieurs. Il faut dire aussi qu'il est le seul de la liste à avoir déjà eu un prix Nobel de physique, en 1977 (cela dit un physicien en a déjà obtenu deux dans le passé: John Bardeen, en 1956 et 1972, pour l'invention du transistor et la construction de la théorie BCS de la supraconductivité).
Quoiqu'il en soit: nil volentibus arduum ... et encore longue vie au célèbre théoricien américain, aux écrits parfois grincheux mais avant tout l'un des meilleurs professeur de physique du solide qu'il m'ait été donné de lire (avec notre maître français, un autre Philippe, Nozières)!




Spéculer sur le prochain Nobel de physique = renvoyer l'image d'une science vivante

Prédictions collectives
Voici les résultats d'un sondage en ligne organisé par le Joint Quantum Institute de l'université du Maryland le mois dernier. Le sujet de physique proposé est donné en premier, viennent ensuite entre parenthèse les noms de possibles lauréats et enfin le pourcentage d'internautes ayant pariés sur le choix de l'académie royale des sciences de Suède. L'annonce officielle pour le prix Nobel de physique sera faite le mardi 9 octobre 2012 à 11h45 heure locale (pas de décalage horaire avec la France) :

Information quantique/ intrication (Zeilinger, Bennett, Zurek, Haroche , Pritchard, Kimble, Wineland, Zoller, Cirac) - 21.2% 
Découverte de particules -- quarks top et bottom, découverte d'un probable boson de Higgs - 16.6% 
Nonlocalité quantique (Aspect, Clauser) - 16.6% 
Ralentissement de la lumière / transparence électro-induite (Hau, Walsworth, Lukin, Harris, Scully) - 10.3% 
Méta-materiaux (Veselago, Pendry, Smith, Zhang, Schultz, Leonhardt) - 6.3% 
Laser LED (Holonyak, Nakamura) - 5.7% 
Théorie du Chaos (Feigenbaum, Ott, Yorke, Grebogi, Swinney) - 4.6% 
Cristaux photoniques (Yablonovitch, Lin, Joannopoulos, John) - 4%
Matière sombre (Rubin) - 4% 

Planètes extrasolaires (Wolszczan, Frail, Butler, Marcy, Mayor, Queloz) - 3.4% 
Nanotubes de carbones (Iijima, Dekker, Avouris, Lieber), Ebbesen) - 2.6%
Inflation cosmologique (Guth, Steinhardt, Linde) - 2.3% 

Elements superlourds (Armbruster, Oganessian, Hofmann) - 1.4%
Plasma quark-gluon (Gyulassy, Zajc, Mueller) - 0.9%

remarque: par esprit légèrement cocardier et amicalement féministe je me suis permis de souligner les noms de scientifiques français (2) et de femme (1) que j'ai reconnus.

Pronostique et divagations personnelles
Récompenser dés cette année la récente découverte expérimentale faite au CERN (pressentie en décembre 2011 et annoncée officiellement le 4 juillet dernier) me parait presque incontournable tant l'évènement est important pour la physique des particules; reste le problème de l'attribution à trois personnes physiques au plus. Mais cette contrainte est-elle vraiment incontournable pour le jury (*)? Soyons audacieux ! Je proposerais donc volontiers comme nominés (attendus): les collaborations internationales ATLAS et CMS "pour leur découverte d'un nouveau type de boson impliqué dans la brisure de la symétrie électrofaible", et j'ajouterais comme nominé surprise, pourquoi pas, Tim Berners-Lee "pour sa contribution aux technologies des réseaux d'échanges de l'information à l'échelle du globe"? Après tout si des montagnes de données d'une extrême complexité à analyser ont pu être dépouillées aussi vite c'est grâce au web d'hier et aux technologies de grille  de demain que développe le CERN avec d'autres acteurs, lesquelles permettent d'augmenter les potentialités de l'Internet. Naturellement il s'agit là d'un pur fantasme de blogueur, il serait surement plus raisonnable qu'un tiers du prix aille à l'expérience CDF du Tévatron pour sa découverte expérimentale du  quark top en 1994 ...
Signalons que l'identification du boson découvert prendra du temps comme l'explique bien ce billet (en français) du blog Quantum Diaries. Aussi il me parait prématuré d'attribuer un prix à des travaux théoriques sur le mécanisme (A)BEHHGK dont le boson de Higgs est la matérialisation concrète pour ainsi dire...

Sinon, en référence au centenaire de la mort d'Henri Poincaré et en souvenir d'une histoire fameuse qui le lie à la Suède (où, d'une erreur fatale naquit une idée féconde ...) je rêverais de proposer l'astronome français Jacques Laskar pour sa découverte de la non stabilité du système solaire, une très belle application de la théorie du chaos déterministe aperçue par Poincaré et ressuscitée des limbes par le météorologiste aujourd'hui disparu Edward Lorenz; il faudrait naturellement accompagner cette nomination par celle-s d'un-e ou deux autres physiciens-iennes s'étant illustrés-es dans d'autres applications de cette théorie (voir les noms cités dans le paragraphe précédent).

* ajout (jour J-1)
Cet article intéressant du Christian Science Monitor (daté du 6 juillet) analyse le problème du choix des lauréats si le thème de la découverte du boson de Higgs est récompensé. L'importance du travail collaboratif dans la science moderne et particulièrement au LHC est soulignée et la question de la possibilité d'une récompense collective est soulevée. A ce propos Sven Lidin du comité Nobel de chimie fait la déclaration suivante dans l'article:

"The Royal Swedish Academy of Sciences is allowed to award the science Nobels to groups, just as the Nobel Peace Prize has gone to groups such as the Intergovernmental Panel on Climate Change in 2007 and the United Nations in 2001. The academy simply hasn't needed to award groups yet ... Even large groups are normally driven by individuals, ... So far, the science Nobel working groups have looked for those leaders. It may be more difficult to identify leaders in large groups, he said, but that doesn't mean they don't exist. "

que je traduirai par:
L'Académie royale des sciences de Suède est autorisée à décerner les Nobel scientifiques à des groupes, tout comme le Nobel de la Paix est allé à des groupes tels que le Groupe d'experts intergouvernemental sur le changement climatique en 2007 ou les Nations Unies en 2001. L'académie n'a tout simplement pas encore eut besoin de récompenser des groupes jusqu'à présent ... Même les grands groupes sont généralement dirigés par des individus, ... Jusqu'à présent, les groupes de travail pour les Nobel scientifiques ont toujours cherché à identifier des meneurs. Il peut être plus difficile d'identifier les meneurs dans les grands groupes mais cela ne signifie pas qu'ils n'existent pas. 

Avec mon regard d'ancien post-doc physicien et pour avoir eu la chance de baigner quelques semaines dans le bouillon de sciences, de technologies, de langues et de cultures du CERN en 2010 (grâce au programme High School Teacher), il me semble qu'une telle tache sera plus ardue dans le cas du travail sur le boson de Higgs; c'est la raison pour laquelle si le prix de physique récompensait globalement des équipes telles qu'ATLAS, CMS (voir le LHC) j'y verrais le signe audacieux et courageux de la reconnaissance qu'une nouvelle ère s'ouvre pour la science et que malgré les dimensions démesurées de certaines expériences, c'est toujours une aventure humaine. Je pense aussi qu'il est bon de montrer au grand public qu'il ne faut pas systématiquement avoir peur de la science lourde, celle des grands instruments scientifiques (big science en anglais) et que malgré les difficultés forcément immenses à faire travailler ensemble des milliers de scientifiques de pays, de culture, de disciplines différentes, cette tache est possible et elle porte des fruits pour tous les Hommes!