jeudi 27 juin 2013

Y a-t-il des théories naturellement trop belles pour ne pas être possibles (ou esthétiquement trop naturelles pour être réelles) ?

Sans commentaire // ou presque (16)


Variations sur le thème de la beauté et de la naturalité dans le champ des théories physiques possibles

“The universe is inevitable,” [declared Nima Arkani-Hamed, a high-profile theorist ... from the Institute for Advanced Study in nearby Princeton]. “The universe is impossible.”
The spectacular discovery of the Higgs boson in July 2012 confirmed a nearly 50-year-old theory of how elementary particles acquire mass, which enables them to form big structures such as galaxies and humans...
However, in order for the Higgs boson to make sense with the mass (or equivalent energy) it was determined to have, the LHC needed to find a swarm of other particles, too. None turned up.
With the discovery of only one particle, the LHC experiments deepened a profound problem in physics that had been brewing for decades. Modern equations seem to capture reality with breathtaking accuracy, correctly predicting the values of many constants of nature and the existence of particles like the Higgs. Yet a few constants — including the mass of the Higgs boson — are exponentially different from what these trusted laws indicate they should be, in ways that would rule out any chance of life, unless the universe is shaped by inexplicable fine-tunings and cancellations.
In peril is the notion of “naturalness,” Albert Einstein’s dream that the laws of nature are sublimely beautiful, inevitable and self-contained. Without it, physicists face the harsh prospect that those laws are just an arbitrary, messy outcome of random fluctuations in the fabric of space and time. 
«L'univers est inéluctable {naturellement beau?//note du blogueur}», [a déclaré Nima Arkani-Hamed, un théoricien de haut niveau de l'Institute for Advanced Study proche de Princeton]. «L'univers est impossible {à comprendre?}"
La découverte spectaculaire du boson de Higgs en ​​juillet 2012 a confirmé une théorie vieille de près de 50 ans qui explique la façon dont les particules élémentaires acquièrent leur masse, permettant la formation de plus grandes structures comme les galaxies et les humains ...
Cependant, pour que le boson de Higgs ait bien la masse (ou de manière équivalente l’énergie) qu’il était censé avoir, le LHC devait aussi découvrir un essaim de nouvelles particules. Aucune n’a été mise en évidence.
Avec la découverte d'une seule particule, les résultats du LHC accentuent un problème profond en physique qui couvait depuis des décennies. Les équations modernes semblent saisir la réalité avec une précision à couper le souffle, prédire correctement les valeurs de plusieurs constantes de la nature et l'existence de particules comme le Higgs. Pourtant certaines constantes - y compris la masse du boson de Higgs - sont exponentiellement différentes de ce que ces lois considérées comme fiables indiquent qu'elles devraient être, valeurs attendues mais qui excluraient toute possibilité de vie, à moins que l'univers soit façonné par des réglages fins de paramètres ou des compensations entre différents termes inexplicables.
Ainsi donc se retrouve sur la sellette la notion de «naturalité», ce rêve d'Albert Einstein que les lois de la nature sont sublimement belles, inévitables et autonomes. Sans cette idée, les physiciens sont confrontés à la sombre perspective  de lois qui ne seraient que le résultat arbitraire et sans ordre de fluctuations aléatoires dans l’étoffe de l'espace et du temps.

In 2002, Steven Weinberg wrote: “The great equations of modern physics are a permanent part of scientific knowledge, which may outlast even the beautiful cathedrals of earlier ages.” And back in the 1960s, Paul Dirac famously asserted that: “It is more important to have beauty in one’s equations than to have them fit experiment.” Richard Feynman, too, insisted on believing in one of his theories even when it seemed to contradict experimental data. “There was a moment when I knew how nature worked,” he wrote in 1957. “[The theory] had elegance and beauty. The goddamn thing was gleaming.” 
En 2002, Steven Weinberg a écrit: "Les grandes équations de la physique moderne sont une partie intégrante de la connaissance scientifique, qui pourraient même durer plus longtemps que les belles cathédrales des premiers âges." Et dans les années 1960, Paul Dirac fit cette célèbre affirmation : «Il est plus important pour les équations d'une théorie d'être belles que d'être en en accord avec l'expérience ". Richard Feynman, lui aussi, a insisté sur sa croyance dans une de ses théories, même quand elle semblait contredire les données expérimentales. "Il y a eu un moment où je savais comment la nature fonctionnait" écrivait-il en 1957. "[La théorie] avait pour elle l'élégance et la beauté. Cette foutue chose brillait. "
Arthur I. Miller, A thing of beauty 04/02/2006 

SUSY la belle théorie qui fait rêver beaucoup de physiciens mais se fait encore attendre
//ajout du 03/07/13
Bien que formant un tout (relativement) cohérent, le modèle standard - tous les physiciens des particules s'accordent à le dire - n'est pas la théorie ultime. Et ce pour différentes raisons, dont le fait que la masse du Higgs, justement, pose problème. Plus on monte en énergie, c'est-à-dire plus on se rapproche des conditions extrêmes de densité et de température de l'univers primordial, plus cette masse {doit} augmente{r d'après notre compréhension actuelle de la théorie quantique des champs}. Jusqu'à finir par atteindre l'infini (les physiciens disent : diverger) au moment du big bang.

Cette divergence est l'un de ces aiguillons qui poussent les physiciens théoriciens à proposer de nouvelles théories. L'une d'entre elles, baptisée la « supersymétrie » (« Susy » en abrégé), postule qu'à chacune des particules du modèle standard correspond une particule partenaire, beaucoup plus massive qu'elle et de nature opposée (un boson pour un fermion et vice versa). La supersymétrie, dont il existe quantité de modèles différents, règle bien des problèmes. Elle jette un pont entre le monde des fermions et celui des bosons ; elle permet de prendre en compte la gravitation (la dernière des quatre forces à l'oeuvre dans l'univers), absente du modèle standard. Et elle supprime la divergence affectant la masse du boson de Higgs à l'instant zéro. 
Mais tout cela a un prix : le doublement du nombre de particules élémentaires, sachant qu'aucune de ces « superparticules » (symétriques des particules connues) n'a encore été observée ! Ce qui n'est pas forcément étonnant, vu qu'elles sont beaucoup plus massives et demandent donc beaucoup plus d'énergie pour être mises en évidence. L'anneau géant du CERN, loupe la plus puissante dont disposent aujourd'hui les physiciens des particules, permettra-t-il d'en « voir » une ? Rien n'est moins sûr. « Le LHC a été conçu de telle sorte que, si le boson de Higgs existait, il finirait par le détecter. Cela n'est pas le cas des superparticules », explique Sandrine Laplace. Mais l'espoir est permis. Quand le LHC sera remis en service début 2015, « l'énergie cumulée des collisions passera de 8 à 13 TeV, voire 14 s'il est possible d'atteindre ce niveau sans risquer l'accident », indique José Ocariz, enseignant-chercheur du LPNHE. Un feu d'artifice qui fera peut-être se montrer l'insaisissable Susy.
Yann Verdo, Susy, la belle dont rêvent les physiciens, les Echos 01/07/13

Le physicien philosophe se doit aussi d'être sceptique ... sans oublier de rester patient 
I think it has become very clear that most likely the only superpartners which are light enough to be produced at the LHC are neutralinos and charginos. Unfortunately, the production rate for neutralinos and charginos in hadron colliderss is very low, so there is almost no chance of seeing these particles at the LHC. However, it should be possible to  [detect?] the lightest neutralino in direct dark matter experiments and to produce neutralinos and charginos at the furture ILC. So, I would encourage patience rather than the pessimism ...  
Je pense qu'il est devenu très clair que le plus probable c'est que les seuls superpartenaires qui soient assez légers pour être produits au LHC sont le neutralino et le chargino. Malheureusement, le taux de production des neutralinos et des charginos dans les collisionneurs de hadrons sont très faibles, donc il n'y a presque aucune chance de voir ces particules au LHC. Cependant, il devrait être possible de [trouver?] le plus léger des neutralinos dans des expériences de [détection] directe de la matière noire et de produire des neutralinos et charginos au futur détecteur ILC. Donc, je voudrais encourager la patience plutôt que le pessimisme ...
Eric, commentaire en réaction au billet Strings 2013 du blog Not Even Wrong, 26/06/2013

//dernier travail d'édition 25/08/2013 

Qui a (oublié de) commandé(er) des particules supersymétriques pour LHC8 ? / Who (has forgotten to) order[ed] SUSY particles for LHC8?

En apprendre assez pour ne pas être naïf au risque d'être un peu ... iconoclaste (4)

Hommage à une formule fameuse de physicien  Who ordered that? 
Avant de tenter de répondre à la question posée en titre commençons par nous remémorer l'époque héroïque des années 30 où il suffisait d'avoir de bons yeux (ou plutôt des chambres à brouillard) et de les lever vers le ciel (les installer au sommet d'une montagne comme le pic du Midi ou la Jungfraujoch) pour découvrir de nouvelles particules dans les gerbes de rayons cosmiques tombés du ciel. Particules d'abord "prévues" comme le positron puis tout-à-fait inattendues comme le muon. C'est à l'occasion de cette découverte que le physicien Isidor Rabi se serait exclamé "Qui a commandé ça ?". 
Cet âge héroïque fut bientôt suivie dans les années 50 et 60 par la période classique des accélérateurs qui permettaient cette fois aux physiciens de créer leurs propres particules et d'en trouver encore de nouvelles, dans une sorte de pêche miraculeuse rendue possible par de nouveaux détecteurs à bulles puis à fils. Epoque heureuse pour les expérimentateurs mais cauchemar pour les théoriciens réduits au rôle d'entomologistes dans un zoo de particules "élémentaires". Mais les années 70 marquent un point de bascule : après la dernière grande surprise expérimentale de la résonance J/ψ, les théoriciens ont mis de l'ordre dans le chaos naturel et en véritables démiurges. Ils forgent même leur grand oeuvre, le Modèle Standard, pour ainsi dire l'annonciateur de la beauté en physique (découverte du quark "beauty" à la fin des années 70) en tout cas le révélateur du charme nu derrière le charme caché. Le modèle ne cessera dès lors de voir ses prédictions confirmées, qu'il s'agisse des découvertes des bosons médiateurs des interactions faibles et fortes qui surviendrons dans les années 80 ou bien de la preuve la plus littérale de sa vérité, longtemps attendue mais qui viendra dans les années 90 avec la découverte du quark "truth" rebaptisé entre temps (plus sagement?) top pour faire pendant au quark bottom (autrefois beauty)...


Réponse personnelle sous forme de citation (d'un célèbre article scientifique d'opinion) : Who ordered theorists?  
On vient de voir qu'à partir de la fin des années 70 la nature des faits expérimentaux, sinon les expérimentateurs eux même, ne commandai(en)t plus tout-à-fait aux théoriciens, lesquels allaient se montrer assez confiants pour baptiser la trilogie des futures particules (quarks) à découvrir : charme, beauté et vérité!  Ces théoriciens pouvaient donc donner l'impression d'être en mesure sinon d'imposer leurs vues aux expérimentateurs du moins de les guider étroitement vers les expériences à mener. Que cette vision des choses soit pour le moins simplifiée c'est ce qui ressort de la lecture d'un texte au ton polémique du physicien Harry Lipkin dont voici un extrait :
... the Standard Model did not result from great theoretical or philosophical visions. It arose from a succession of who-ordered-that and other pioneering experiments that defied the theorists until there were enough data to enable an after-the fact analysis that would lead the theorists in the right direction.
I have no patience with social scientists, historians, and philosophers who insist that the “scientific method” is doing experiments to check somebody’s theory. The best physics I have known was done by experimenters who ignored theorists completely and used their own intuitions to explore new domains where no one had looked before. No theorists had told them where and how to look.  
... le Modèle Standard n'est pas le fruit de grandes visions théoriques ou philosophiques. Il est issu d'une succession de [découvertes expérimentales fortuites du type] "qui-a commandé-ça" et d'autres expériences pionnières qui ont toutes défiées la compréhension des théoriciens jusqu'à ce qu'il y ait suffisamment de données pour permettre une analyse après coup qui les conduisent dans la bonne direction.
Je n'ai aucune patience avec les sociologues, historiens et philosophes qui insistent sur le fait que la «méthode scientifique» consiste à faire des expériences pour vérifier la théorie de quelqu'un. La meilleure physique que je connaisse a été faite par des expérimentateurs qui ont ignoré complètement les théoriciens et ont utilisés leurs propres intuitions pour explorer de nouveaux domaines où personne n'avait regardé avant. Aucun théoricien ne leur avait dit où et comment regarder.
Harry J. Lipkin, Who ordered theorists? 07/2000 

Quoiqu'il en soit les crédits de recherche semblent bien avoir été orientés dans une époque récente vers la construction de machines toujours plus grandes, lesquelles ont été publiquement promues pour tester les spéculations des théoriciens : qu'il s'agisse de l'unification électrofaible et de la complétion de la chromodynamique quantique hier, de la mise en évidence d'un mécanisme de brisure de symétrie spontanée via un boson scalaire aujourd'hui (découverte d'un boson de Higgs) et de la recherche de particules supersymétriques pour expliquer la cause de la brisure de symétrie (pour demain ?).
Ainsi va la course aux accélérateurs géants depuis plusieurs décennies, la compétition pacifique entre les Etats-Unis et l'Europe ayant atteint son apogée dans les années 90 avec le LEP et le Tevatron tout deux surpassés depuis par le LHC, opérationnel depuis la fin des années 2000 et résultat d'une collaboration internationale renforcée après l'échec du SSC américain. Cette course marque aujourd'hui une pause avec la fin du premier round de fonctionnement du LHC à 8 TeV ... avant de reprendre avec un second round à 13 TeV prévu pour 2015.
Notre réponse à la question est donc bien : les théoriciens! Ceux là du moins qui ont conçut l'hypothèse de la supersymétrie soutenant tant de modèles phénoménologiques; les mêmes qui prévoient donc dans ce cadre l'existence de nouvelles particules au delà de celles du Modèle Standard, particules génériquement appelées supersymétriques.  


Mobilisation de l'intelligence collective via Physics Stack Exchange pour modérer la réponse précédente 
//ajout du 02/07/13
Le blogueur que je suis n'est pas le seul à se poser des questions ou à essayer de tirer des conclusions sur l'absence pour le moment de traces de particules supersymétriques dans les mesures du LHC. Sur le site collaboratif Physics Stack Exchange où des physiciens professionnels, étudiants et amateurs échangent des informations à travers des questions, des commentaires et des réponses dans une sorte de nouveau type de foire aux questions version 2.0, on trouve le même genre d'interrogations :
Did the LHC rule out SUSY as a solution to the hierarchy problem ? What's the common belief among theorists regarding the possibility of discovering SUSY in the 2015 run of the LHC ? Did the absence of a SUSY signal so far depress the enthusiasm that SUSY is an important element of our universe ? 
Question from abccs 30/06/13
Well, I am a retired particle physics experimentalist. This means I remember the evolutions of experiments and the extensions of theories from the beginning 60's, when the eightfold way was the fashion.
When the J/Psi was discovered everybody "fell from the clouds" as we say in greek ( I suppose cloud cuckoo land in english). Nobody but nobody had expected it to be so narrow.
When QCD was mooted the great Feynman himself was skeptical , being partial to his parton model.
As for theories? The Regge poles that dominated hadronic physics of the seventies and fell out of fashion with QCD and all, are having a comeback with string theories.
So my experience tells me that nothing is decided yet. It could be possible that even with the existing data at LHC a clever young physicist will unscramble resonances that are being thrown out with the bathwater of such large backgrounds. Certainly I would wait for the next data crop from the LHC before thinking that super symmetry manifestation has to be pushed to higher energies. My experience also tells me that theoreticians are quite adept at this last.
Answer from anna v 30/06/2013 

SUSY et le Grand collisionneur de hadrons
Est-ce que [les résultats du] LHC excluent SUSY comme solution au problème de la hiérarchie? Quelle est le consensus parmi les théoriciens concernant la possibilité de découvrir SUSY dans la perspective du redémarrage en 2015 du LHC? Est-ce l'absence d'un signal SUSY jusqu'ici a diminué l'enthousiasme pour une vision de l'univers où SUSY serait un élément important?  
Question de abccs 30/06/13
Eh bien, je suis un expérimentateur en physique des particules à la retraite. En tant que tel j'ai souvenir des développements expérimentaux et théoriques depuis le début des années 60, lorsque la voie octuple était à la mode.
Lorsque le J / Psi a été découvert tout le monde est «tombé des nues» [...]. Personne, mais vraiment personne n'avait prévu que la résonance soit si étroite.
Quand la chromodynamique quantique (QCD) a été mise en avant, le grand Feynman était lui-même sceptique, ayant un jugement partial à cause de son propre modèle de partons.
Quant aux théories? Les pôles de Regge qui ont dominé la physique hadronique des années soixante-dix et sont tombés en désuétude avec la QCD et tout le reste, avant de faire leur retour à travers la théorie des cordes.

Donc, mon expérience me dit que rien n'est encore décidé. Il se pourrait que, les données déjà recueillies au LHC suffisent à un jeune physicien intelligent pour déchiffrer des résonances qui sont actuellement jetées avec l'eau du bain du signal de fond. Certes, je voudrais attendre la prochaine récolte de données du LHC avant de penser à repousser la manifestation de la supersymétrie  à des énergies plus élevées. Mon expérience me dit aussi que les théoriciens sont plutôt adeptes de cette dernière démarche.

Réponse de anna v 30/06/13

On laisse au lecteur la liberté de juger dans quelle mesure ces informations valident la pertinence de la question du billet et amendent la réponse proposée par le bloggueur ...


Clin d'oeil pour finir à une sympathique BD de popularisation de la physique au LHC
Elle conte la chasse au Boson de Higgs et autres particules massives "dans les vertes plaines à 8 TeV du LHC" :


Les vertes plaines à 8 TeV du LHC. ©Lison Bernet


//Ce billet a subit une dernière mise à jour le mercredi 3 juillet 2013.


mercredi 26 juin 2013

Faut-il doubler le nombre de particules élémentaires ou dédoubler l'espace-temps pour rendre compte de la phénoménologie à 8 TeV du boson de Higgs ?

Bossons sur le boson (2)

Doubling the number of elementary particles or “doubling space-time” to accommodate Higgs boson phenomenology at 8TeV? 
What is the most natural new physics one can expect at the TeV scale: new (supersymmetric)particles or some new (non-commutative) spacetime structure?
Up to now, nothing else than one Higgs boson has been found at the LHC while many predictions based on effective theories using supersymmetry require that the Higgs boson is not unique and needs an entourage of sparticles close in mass to tame its quantum instabilities.

On the other hand, the spectral version of the standard model by Chamseddine and Connes, expects only one Higgs boson without supersymmetric particle. In this noncommutative approach spacetime appears as the product (in the sense of fibre bundles) of a continuous manifold by a discrete space and it has been proved by Martinetti and Wulkenhaar that under precise conditions, the metric aspect of ”continuum × discrete” spaces reduces to the simple picture of two copies of the manifold.

Could it be that this picture of a two-sheets spacetime helps to overcome the naturalness issue related to the standard model Higgs and has to be taken seriously in order to progress in the understanding of physics beyond the minimal standard model?
It is worth noting that to postdict the correct mass of the Higgs boson detected at LHC8 the last version of the spectral model requires a weak coupling with another scalar. This one is supposed to be much more massive than the Higgs and it is claimed to be responsible for the see-saw mechanism giving the spectrum of neutrino masses. Thus the last hypothesis from the noncommutative model is crudely speaking : existence of Majorana couplings and naturally massive right-handed neutrinos, this seems to fit in the effective field theory expectations coming from neutrino physics phenomenology, doesn't it?
May be noncommutative geometry can help to make effective theories more alive and kicking ! 
In memoriam Ken Wilson
Question postée par laboussoleestmonpays sur le site Physics Stack Exchange le 26/06/2013

//travail de rédaction encore en cours...
En attendant (re)lisons Kenneth Wilson, ce physicien récemment disparu : http://arxiv.org/ftp/hep-lat/papers/0412/0412043.pdf comme nous y invite la  blogosphère ici ou .



jeudi 13 juin 2013

Est ce que SUSY est naturelle(ment trop parfaitement ajustée pour être réelle)?

En apprendre assez pour ne pas être naïf au risque d'être un peu ... iconoclaste (3)

En guise de réponse possible
Voici un petit inventaire très personnel, à vocation informative et ludique, d'articles de physique théoriques et expérimentale, sélectionnés d'abord pour leur titre (mais aussi pour l'intérêt de leur contenu), classés par ordre chronologique : du plus vieux qui soit disponible sur arxiv au plus récent.





mardi 4 juin 2013

Le quantique : c'est magique? Disons plutôt non-commutatif, avec un petit quelque chose en plus ...


La semaine (voir la nuit) où fut créée la mécanique quantique par un certain Heisenberg

Comme le raconte Ivan Todorov  voilà tout juste 88 ans, au début du mois de juin 1925 un jeune scientifique de vingt-quatre ans réfléchit à la théorie quantique et met ses pas dans ceux d'illustres ainés : Planck, Einstein, Bohr, de Broglie ...

... Creating quantum mechanics  
The moment of truth comes to Werner Heisenberg in June 1925. After a year in Copenhagen working together (and struggling) with Hendrik Kramers (1894-1952) and Wolfgang Pauli (1900-1958), another student of Sommerfeld’s, in the young entourage of Bohr, he spends a month of inconclusive work (while lecturing) in Göttingen. Seeking relief from an attack of hay fever he ends up alone on the tiny island of Helgoland in the North Sea, off the German coast. There, away from busy theorists (and any other people for that matter), he has the decisive idea that opened the way to a consistent theory of the atom. He is excited but not quite sure of himself. While mailing a copy of his manuscript to Pauli (on July 9) and handing his only other one to Max Born (1882-1970), his Göttingen mentor, he writes to his father: “My own work is not going at the moment especially well...”. He does not mention his latest results while lecturing in Cambridge, later in July. Born is, by contrast, fascinated by the article of his young assistant and forwards it to Zeitschrift für Physik while Werner is in England.

... créant la mécanique quantique

L'illumination vient à Werner Heisenberg en Juin 1925. Après un an passé à Copenhague dans l'équipe de jeunes qui entoure Bohr, travaillant (et bataillant) avec Hendrik Kramers (1894-1952) et Wolfgang Pauli (1900-1958), un autre étudiant de Sommerfeld, il fait un séjour d'un mois à Göttingen cherchant sans trouver (tout en effectuant une série de conférences). Voulant soulager un violent rhume des foins, il se retrouve seul sur la petite île de Heligoland en mer du Nord, au large de la côte allemande. Là, loin des théoriciens affairés (et de toute autre personne d'ailleurs), il a l'idée décisive qui va ouvrir la voie à une théorie cohérente de l'atome. Il est excité par cette idée mais pas tout à fait sûr de lui. Tandis qu'il envoi une copie de son manuscrit à Pauli (le 9 Juillet) et qu'il passe sa seule autre à Max Born (1882-1970), son mentor de Göttingen, il écrit à son père: «Mon propre travail ne va pas particulièrement bien à l'heure actuelle ... ". Il ne mentionne pas ses derniers résultats lors d'une conférence à Cambridge plus tard en Juillet. Born est, en revanche, fasciné par l'article de son jeune assistant et le transmet au Zeitschrift für Physik alors que Werner est en Angleterre.
I. Todorov, Werner Heisenberg, mai 2003


Le jeune Werner : un physicien-magicien selon les termes de Steven Weinberg ...

If the reader is mystified at what Heisenberg was doing, he or she is not alone. I have tried several times to read the paper that Heisenberg wrote on returning from Heligoland, and, although I think I understand quantum mechanics, I have never understood Heisenberg’s motivations for the mathematical steps in his paper. Theoretical physicists in their most successful work tend to play one of two roles: they are either sages or magicians ... It is usually not difficult to understand the papers of sage-physicists, but the papers of magician physicists are often incomprehensible. In that sense, Heisenberg’s 1925 paper was pure magic.
Perhaps we should not look too closely at Heisenberg’s first paper ...

Si le lecteur est perplexe face à ce que Heisenberg a fait, il ou elle n'est pas le ou la seule. J'ai essayé plusieurs fois de lire l'article que Heisenberg a écrit à son retour de l'île d'Hel(i)goland, et, même si je pense que je comprends la mécanique quantique, je n'ai jamais compris les motivations de Heisenberg pour les étapes mathématiques dans son article. Les physiciens théoriciens dans leur travail le plus abouti ont tendance à apparaître sous l'une des deux figures suivantes : soit celle du sage soit celle du magicien ... Il n'est généralement pas difficile de comprendre les publications des physiciens-sages, mais celles des physiciens-magiciens sont souvent incompréhensibles. En ce sens, l'article de Heisenberg de 1925 est de la magie pure.
Peut-être ne devrions-nous pas regarder de trop près ce premier article de Heisenberg ... 

S. Weinberg, Dreams of a Final Theory, 1992


... et l'inventeur d'un trésor  non commutatif  que décrit le mathématicien Alain Connes 

// On n'est pas obligé de suivre les conseil d'un grand physicien, aussi sage soit-il. On ignore si Connes a lu en détail le texte fondateur de Heisenberg mais il a probablement tiré des travaux du physicien pour ainsi dire la substantifique moelle ou tout du moins une inépuisable source d'inspiration pour son propre programme de recherche : la géométrie non commutative ...
La théorie de Bohr en discrétisant artificiellement le moment angulaire de l’électron parvenait à prédire les fréquences des radiations émises par l’atome d’hydrogène mais était incapable d’en prédire l’intensité et la polarisation. C’est par une remise en cause fondamentale de la mécanique classique qu’Heisenberg est parvenu à ce but et à aller bien au-delà de ce qu’avaient fait ses prédécesseurs. Cette remise en cause de la mécanique classique est à peu près la suivante : dans le modèle classique, l’algèbre des quantités physiques observables se lit directement à partir du groupe Gamma des fréquences émises, c’est l’algèbre de convolution de ce groupe de fréquences. Comme Gamma est un groupe commutatif cette algèbre est commutative. Or dans la réalité on n’a pas à affaire à un groupe de fréquences, mais à cause de la règle de composition de Ritz-Rydberg, on a affaire au groupoïde Delta [ensemble de fréquences indexées par un couple d'états (i,j)]... avec la règle de composition (i,j)(j,k) =(i,k) … En remplaçant l’algèbre commutative de convolution du groupe Gamma par l’algèbre non commutative de convolution du groupoïde Delta dicté par l’expérience, Heisenberg a remplacé la mécanique classique, dans laquelle les quantités observables commutent deux à deux par la mécanique des matrices, dans laquelle des quantités observables aussi importantes que la position et le moment ne commutent plus.



L'article rapporté de Hel(i)goland  
En voici le début (traduction de B. Escoubès dans Sources et évolutions de la physique quantique).
On sait bien que les règles formelles utilisées en théorie quantique pour calculer des grandeurs observables telles que l'énergie d'un atome d'hydrogène peuvent être sérieusement mises en question en avançant qu'elle contiennent, comme élément fondamental, des relations entre des grandeurs qui sont apparemment inobservables en principe, comme par exemple la position et la période de révolution d'un électron. Ces règles souffrent d'un évident manque de bases physiques, à moins que l'on ne continue à garder espoir que les grandeurs jusqu'ici inobservables puissent un jour faire partie du domaine des mesures expérimentales. On pourrait estimer que cet espoir est justifié si les règles mentionnées ci-dessus avaient une consistance interne et étaient applicables à une classe bien définie de problèmes de mécanique quantique. L'expérience montre cependant que seuls l'atome d'hydrogène et l'effet Stark sont susceptibles d'être traités par ces règles formelles de la théorie quantique...

On a pris l'habitude de caractériser cet échec de la théorie quantique comme une déviation de la mécanique classique, puisque ces règles étaient essentiellement déduites de la mécanique classique. Les caractériser ainsi a cependant peu de sens, quand on se rend compte que la condition de Einstein-Bohr pour les fréquences (qui est valide dans tous les cas) s'écarte déjà tellement de la mécanique classique, ou plutôt (du point de vue de la théorie ondulatoire) de la cinématique qui sous-tend cette mécanique, que même pour le plus simple des problèmes de la théorie quantique la validité de la mécanique classique ne peut tout simplement plus être sauvegarder... il semble plus raisonnable de tenter d'établir une mécanique de la théorie quantique, analogue à la mécanique classique, mais dans laquelle seules apparaissent des relations entre des grandeurs observables. On peut considérer la condition sur les fréquences et la théorie de la dispersion de Kramers ainsi que leurs développements dans des articles récents comme les premiers pas les plus importants vers une mécanique quantique de la sorte... 

W. Heisenberg, Réinterprétation en théorie quantique de relations cinématiques et mécaniques, 29/07/25 

L'art de l'ellipse en science (ou la grâce enfantine consistant à "sauter à pieds joints sur [l]es calculs") décrypté par Ian Aitchison (et ses collaborateurs)
Ou pourquoi le génie est parfois difficile à suivre... Heureusement il existe de formidables guides pour conduire nos pas et nous aider à ne pas perdre l'équilibre une fois juchés sur l'épaule d'un géant:
There have, in fact, been many discussions aimed at elucidating the main ideas in Heisenberg’s paper ...Of course, it may well not be possible ever to render completely comprehensible the mysterious processes whereby magician-physicists ‘jump over all intermediate steps to a new insight about nature’. In our opinion, however, one of the main barriers to understanding Heisenberg’s paper, for most people, is a more prosaic one: namely, that he gives remarkably few details of the calculations he actually performed, in order to arrive at his results for the one-dimensional model systems which he treats (anharmonic oscillators and the rigid rotator).

Il y a eu en effet de nombreuses discussions visant à élucider les idées essentielles contenues dans le document de Heisenberg ... Bien sûr, il se pourrait bien qu'il soit à jamais impossible de rendre totalement compréhensible le mystérieux processus par lequel les physiciens-magiciens "sautent par dessus toutes les étapes intermédiaires pour arriver directement à un nouvel éclairage sur la nature". À notre avis cependant, l'un des principaux obstacles à la compréhension du document de Heisenberg est pour la plupart des gens plus prosaïque: à savoir, qu'il donne remarquablement peu de détails sur les calculs réellement effectués pour arriver à ses résultats sur les systèmes modèles unidimensionnels qu'il traite (oscillateurs anharmoniques et rotateur rigide).



Retour à Hel(i)goland pour revenir sur l'heuristique de Heisenberg et relever quelques détails ...
Le lecteur trouvera dans l'extrait suivant, tiré d'une conférence datée de 1968, quelques détails intéressants sur le fameux article fondateur de la mécanique quantique par l'auteur lui même :
... it has often been said that it may be a step in the right direction to introduce into the theory only quantities that can be observed. Actually that was a very natural idea in this connection, because one saw that there were frequencies and amplitudes; and these frequencies and amplitudes could in classical theory somehow replace the orbit of the electron. A whole set of them means a Fourier series and a Fourier series describe an orbit. Therefore it was natural to think that one should use these sets of amplitudes and frequencies instead of orbits ...

... I decided that I should again try to do some kind of guesswork ... namely to guess the intensities in the hydrogen spectrum ... I failed completely. The formulae got to complicated ... Therefore I turned from the Hydrogen atom to the anharmonic oscillator ... Just then I became ill and went to the island of Heligoland to recover. There I had plenty of time to do my calculations. It turned out that it really was quite simple to translate classical mechanics into quantum mechanics. But I should mention one important point. It was not sufficient simply to say " let us take some frequencies and amplitudes to replace orbit quantities" and use a kind of calculation which we had already used in Copenhagen and which later turned out to be equivalent to matrix multiplication.

It was quite clear that if one only did that, then one would have a scheme which was much more open than classical theory. Of course, classical theory would be included, but it was too undefined and one had to add extra conditions. 

It turned out that one could replace the quantum conditions of Bohr's theory by a formula which was essentially equivalent to the sum rule of Thomas and Kuhn ... By adding such a condition one all of a sudden got into a consistent scheme.

W. Heisenberg, Theory, criticism and a philosophy 1968

Dans sa leçon inaugurale au collège de France citée plus haut, véritable manifeste pour la géométrie non commutative, Alain Connes fait explicitement référence aux séries de Fourier évoquées ici par Heisenberg. Il est par ailleurs frappant de constater qu'en rappelant l'importance d'une règle de somme pour assurer la complétion de son formalisme quantique, Heisenberg ne fait rien d'autre que souligner la différence entre quantique et non commutatif, différence soulignée par Connes également et déjà évoquée dans notre blog ici.


//Ce billet d'abord publié le 4 juin a été remanié et complété par un dernier paragraphe le 14 juin.