jeudi 28 février 2013

SUSY in the sky ... (y a-t-il un paradis ou un salon des refusés pour les théories non validées par l'expérience ?)

Un quantum d'obstination (6)

... with (a) Diamonds (price detector expecting a wimp) ?
Comme son nom l'indique (mais c'est la première fois que je l'écris explicitement) cette rubrique est un clin d'oeil à l'obstination du blogueur : obstination à tenter de découvrir et essayer de comprendre les enjeux actuels de la physique en général et de la quantique en particulier, obstination personnelle aussi à suivre depuis vingt ans les développements des travaux d'Alain Connes (et ses collaborateurs) qui tente(nt) d'analyser la physique quantique et la théorie des champs à travers le prisme mathématique de la géométrie noncommutative, obstination enfin à suivre les possibles applications physiques concrètes de ce programme de recherche comme le principe physique d'action spectrale. 
De nombreux billets sur ce blog ont déjà évoqué l'enjeux de la découverte du boson de Higgs et d'éventuelles particules supersymétriques. L'aventure se poursuit ici et maintenant à travers une réaction à ce récent billet publiée sur le blog Résonaances :
cb said...
So it seems now that we have found the first not composite (fundamental?) not pseudo (even parity) not spin half or one or two (scalar) boson of the standard model.
From a phenomenological point of view, low scale supersymmetry seems in danger. Ok, let's wait and listen to the Mother Nature Oracle in the near future (Susy in the sky with AMS-02 ?)
Now a posteriori (from an "epistemological" point of view) could a "connoisseur" draw us a sane conclusion (not predicting the Apocalypse) about the fact that the vacuum stability constraint seemed to be the most efficient way to postdict the Higgs mass (as far as I understand it) ?28 February 2013 10:48

... because it is a dead-end speculation ? (from a possibly unrelevant theory to a probably not relevant commentary)
Le blogueur a commencé sa thèse avant l'éclatement de la première bulle Internet, à une époque où aux Etats-Unis certains brillants étudiants en physique partaient travailler à Wall Street, aussi n'a-t-il pas pu s'empêcher de réagir à ce commentaire du dernier billet en date du blog Not Even Wrong (lequel billet dresse un portrait sombre de l'état actuel de la phénoménologie du modèle standard supersymétrique minimal) ...

M. Wang says:
It had been known since before the Great Depression that, in aggregate, stock analysts’ predictions produce negative risk-adjusted returns, but thousands of people still make it a living to this day, some being paid 7-digit salaries. It is even considered a serious offense to discuss their track records in industry gatherings.
By the 1990′s, solid statistics had proven beyond doubts that mutual fund managers as a whole added negative values after fees, but the industry continued to grow. It now manages assets well in excess of the US GDP.
As of last month, the latest statistics on hedge funds also showed a negative overall return after fees in aggregate. Yet, your university may have to cut hiring further next year because its endowment fund loses a few more billions in various hedge funds.
The point of my long-winded examples is that, in a complex society, there is plenty of room for BS-artists to prosper as a group or even industry. My bet is that the likes of Brian Greene and Lisa Randall will continue to sell plenty of books, be invited to guest-star in TV shows and give inspirational speeches to young students in science. Of course, the dark matter may come to rescue HEP from ignominious heat death, but what if it doesn’t? Is there any reason why dark matter has to be WIMP? Does a WIMP have to have a signal measurable within the next 20 years? What if nothing shows up?
laboussoleestmonpays says:

//commentaire refusé le 28/02/13

(Low scale Susy) speculation : Much ado ec(h)o about nothing !

Les belles et riches théories sont éternelles (ne pas vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué)
(Même) Peter Woit reconnait la valeur de la supersymétrie (d'ailleurs en bon mathématicien il l'enseigne) comme on le voit dans cet extrait :

... for those already fluent in quantum mechanics and quantum field theory, there is Mikhail Shifman’s Advanced Topics in Quantum Field Theory, published last year. It concentrates on methods for understanding the non-perturbative behavior of QFTs, especially gauge theories. A major topic is semi-classical methods and the art of extracting non-perturbative information about the QFT from interesting solutions to the classical equations of motions (e.g. instantons and solitons). The latter part of the book focuses on supersymmetric theories, where supersymmetry can be used to get further insight into the non-perturbative behavior. In recent years, much of the research interest in SUSY has moved away from the idea of using it for Beyond Standard Model physics (a trend likely to accelerate with the failure of SUSY to show up at the LHC), and towards thinking of it as a tool for studying QFTs. Shifman’s book gives a good introduction to the basic examples of how this works.
Peter Woit,  Short Book Reviews, 24/02/13
//ajout du 4/03/13
La supersymétrie qui monte au ciel : ce n'est pas une théorie qui meurt mais seulement une solution à la recherche d'un problème (naturel ?*)
One of the most important questions addressed by the LHC is naturalness. Not only will the answer a ect our understanding of the mechanism for electroweak breaking, but it will also determine our strategy for future directions in theoretical physics. On one side we have the avenue of larger symmetries unifying physical laws in a single fundamental principle; on the other side we have new kinds of paradigms, where parameters are not understood by naturalness arguments in the context of well-de ned eff ective theories.
Giuseppe Degrassia et al., Higgs mass and vacuum stability in the Standard Model at NNLO 29/05/12

La théorie de la supersymétrique est encore bien hypothétique. On ne connait aucune preuve observationnelle de sa validité. Pourtant il y a un argument important en sa faveur : il existe une parenté profonde entre les opérateurs de supersymétrie et les opérateurs d'espace-temps... L'existence de ces opérateurs nous invite à penser que l'idée de la supersymétrie doit correspondre à la réalité, même si nous ne savons pas encore l'exprimer correctement, même si nous ne savons pas encore dans quel secteur de la physique elle trouve sa véritable application. Cette situation est analogue à celle de la théorie des champs de jauge, élaborée en 1956 par les physiciens Chen Nin Yang et S. Mills et appliquée par eux, à tort, à la description du proton et du neutron. Quand, en 1972, les physiciens Steven Weinberg et Abdus Salam l'ont appliquée aux électrons et neutrinos, ils ont pu montrer sa validité en résolvant le problème de l'interaction électrofaible.
Hubert Reeves, La première seconde 09/95

(*) voir le billet daté du 03/03/13...

Remarque: c'est  moi qui met en gras.

mardi 26 février 2013

Qu'y a-t-il entre Ciel et Terre ? Ce que nous (en) dit (peut-être) le Higgs

Sans commentaire // ou presque (9)

Qu'est ce qui attend le physicien des particules après le boson de Higgs ? 
//Cette question émerge naturellement de la problématique du billet précédent mais pour ne pas le rendre trop long on a préféré l'approfondir dans celui-ci.

L'enfer d'un grand désert ?
Le site Futura Sciences propose un intéressant article  sur les dernières nouvelles du boson de Higgs collectées fin décembre 2012 ; en voici un extrait en lien direct avec la problématique qui nous intéresse :
... il se peut que le boson de Higgs soit tout ce qu'il y a de plus standard, et que le modèle électrofaible et la QCD soient valables jusqu'à la masse de Planck, caractéristique des effets de la gravitation quantique, sans qu’apparaissent de nouvelles forces ou particules. Oui, c'est triste, mais c'est possible... Nous pourrions donc être confrontés au cauchemar du scénario du désert de la fin des années 1970, lorsqu’on imaginait que, tout au plus, avant ces effets de gravitation quantique, les autres forces s’unifiaient dans le cadre d’une GUT à des énergies tellement élevées que l’humanité ne pourrait jamais explorer de la physique au-delà du modèle standard directement en accélérateur.
Techniquement parlant, il suffit de vivre dans une zone de stabilité ou de métastabilité du vide jusqu'à l’échelle d’énergie d’une GUT ou de celle de la masse de Planck (1016 TeV). Il y a de nombreuses études sur ce sujet en ce moment (voir les publications de John Ellis par exemple). Mais du fait de la très haute sensibilité aux incertitudes théoriques, les prédictions sont à prendre avec des pincettes.
J’espère très sincèrement que nous n’allons pas vers un tel scénario, même s’il reste énormément de choses à étudier et à comprendre au sein du modèle standard. Ce serait aussi très excitant d’avoir une fenêtre d’observation tangible vers de la physique qui aille au-delà, en dehors de celle des masses des neutrinos (ces dernières n’étant pas décrites au sens strict par le modèle standard).
Julien Baglio, 26/12/12

Dans la même veine, on notera aussi ces propos plus anciens (prémonitoires ou pas?) d'Ethan Siegel à propos de la découverte du boson de Higgs et de la valeur de sa masse
…a nightmare scenario for everything else, including supersymmetry, extra dimensions, and string theory. Because finding the standard model Higgs at this energy means that there’s no need for any of those things. A Higgs at 125 GeV and nothing else at the LHC, totally consistent with the standard model, mean that if supersymmetry exists, it needs to be at such a high energy that it no longer solves the problem it was designed to solve! 
... Un scénario cauchemardesque pour toutes les autres théories, y compris la supersymétrie, les dimensions supplémentaires, et la théorie des cordes. Parce que trouver le Higgs du modèle standard à cette énergie signifie qu'il n'y a pas besoin de toutes ces choses. Un Higgs à 125 GeV et rien d'autre au LHC, totalement compatible avec le modèle standard, signifie que si la supersymétrie existe, elle doit se situer à une énergie trop élevée pour résoudre le problème pour lequel elle a été conçue ! 
propos d'Ethan Siegel rapportés par un blog du site Science 2.0 le  04/07/12 

... and this would mean that we’d never understand why the Higgs couples the way it does, or why the particles in the Universe have the masses that they do; the best we’d be able to say is, “They just do.”

So I’m hopeful that they don’t find only the Higgs, because if they do, we could be living through the last hurrah of particle physics, and there’s too much that we still need to know! Here’s hoping… 
... et cela signifierait que nous n'aurions jamais compris pourquoi le Higgs interagit de  la façon dont il le fait, ou pourquoi les particules dans l'univers ont les masses qu'elles ont, le mieux que nous serions en mesure de dire, c'est " Les choses sont ainsi faites."
J'espère donc qu'ils ne trouveront pas seulement le boson de Higgs, parce que si c'est ce qui arrive, nous pourrions vivre le dernier tour de piste de la physique des particules, et il y a trop de choses que nous avons encore besoin de savoir ! Donc espérons ...
Ethan Siegel The Horror of the Higgs, Blog Starts with a Bang ! 04/11/12

// Comme on le sent poindre dans ces extraits et comme le confirme la lecture plus approfondie des billets dont ils sont tirés, la crainte de certains physiciens est semble-t-il - derrière l'écran de fumée médiatique d'une éventuelle instabilité du Vide entraînant un hypothétique apocalypse de l'Univers - essentiellement de nature sociologique. Dit autrement : est ce que les physiciens qui travaillent au LHC auront-ils encore du travail dans le futur s'il existe des arguments théoriques solides pour laisser croire qu'il n'y a plus de particules à découvrir au delà du boson de Higgs ... ? 


Un oasis d'espoir ?
// Et si la solution à ce problème était de nature avant tout épistémologique ? En effet comme on l'a déjà expliqué dans des billets plus anciens sur ce blog, la découverte du Higgs et l'absence de supersymétrie à l'échelle électrofaible testée au LHC pourrait marquer une (r)évolution de paradigme. C'est du moins ce que pourraient initier quelques physiciens et mathématiciens autour du programme mathématique de géométrisation noncommutative du modèle standard et du rêve physique d'unification avec la relativité générale grâce au principe d'action spectrale. Ce projet semble rencontrer encore assez peu d'échos dans la communauté des physiciens des particules (pour des raisons sur lesquelles nous reviendrons dans les deux paragraphes suivants) mais il semble que des travaux nouveaux commencent à émerger sur différents fronts allant de la phénoménologie des particules ou de la gravitation à la cosmologie.
Après tout l'hypothèse atomique s'est d'abord appuyée sur la chimie et la thermodynamique les faisant progresser toutes deux avant de permettre l'avènement plus tard de la mécanique quantique. De même la géométrie noncommutative n'est sûrement qu'un premier pas vers la gravité quantique et une théorie physique  plus mature basée sur cet outil ouvrira peut-être plus tard des perspectives nouvelles et insoupçonnées sur les phénomènes physiques au delà du TeV ...

In this note we will show the intimate relationships between Weyl anomalies, the dilaton and the Higgs eld in the framework of spectral physics. The framework is the expression of a eld theory in terms of the spectral properties of a (generalized) Dirac operator. In this respect this work can be seen in the framework of the noncommutative geometry approach to the standard model of Connes and collaborators [1, 2, 3, 4], as well as of Sakharov induced gravity [5] ...
The dilaton may involve a collective scalar mode of all fermions accumulated in a Weyl-noninvariant dilaton action. Accordingly the spectral action arises as a part of the fermion eff ective action divided into the Weyl non-invariant and Weyl invariant parts. We calculate the dilaton e ective potential and we discuss how it relates to the tran-sition from the radiation phase with zero vacuum expectation value of Higgs fields and massless particles to the electroweak broken phase via condensation of Higgs fi elds. The collective field of dilaton can provide the above mentioned phase transition with EW symmetry breaking during the evolution of the universe.
A.A. Andrianov et al, Spectral action, Weyl anomaly and the Higgs-Dilaton potential 06/2011 
Provided with Noncommutative Geometry, whose basic elements are spectral triples and a finite set of axioms, it becomes possible to integrate inside a single mathematical formalism gravitational, electromagnetic, weak and strong interactions. Gauge fields of the three last interactions then become, inside this formalism, connections of a discrete space and are interpreted as pseudo-forces associated to the gravitational field.

One of the elements of this formalism is a self-adjoint operator D, unbounded, with compact resolvent and acting on a Hilbert space. Applied to high energy physics, this operator will be the Dirac operator ...

Indeed, in the same way that one can determine the electric or magnetic field by measuring the shift of the spectral lines of atoms immersed in these fields (Stark and Zeeman effects respectively), the Dirac operator spectra allows one to retrieve informations on the gravitational field via the distance formula.

The purpose of this report is to show that the Noncommutative Geometry, when a spectral triple is chosen equivalent to a Riemannian geometry allows, via the fluctuation of Dirac operator, the obtention of an exact equivalence principle : generation of curvature and torsion from flat space. 
Mathieu Marciante et Thomas Schücker, Fluctuation of Dirac operator and equivalence principle 22/02/12

A realistic Higgs mass estimate of 126 GeV was obtained by Shaposhnikov and Wetterich in [35], based on a renormalization group analysis, using the functional renormalization group equations (FRGE) method of [40] for gravity coupled to matter...
We discuss the implications of using this RGE flow on the particle physics models based on the spectral action functional. In particular, one can obtain in this way a realistic Higgs mass estimate without introducing any additional field content to the model (see the recent [12] for a di fferent approach based on a coupling with a scalar field), but the fact that the RGE with anomalous dimensions lead to a Gaussian matter fixed point" at high energies requires a reinterpretation of the geometric constraints at unification energy imposed by the geometry of the spectral action models, as in [13]
Christopher Estrada et Matilde Marcolli, Asymptotic safety, hypergeometric functions and the Higgs mass in the spectral action models 12/08/12 

One may assume that near the Planck energy scale, the geometry of space-time ceases to have the simple continuous form we are familiar with. At high enough energy scales, quantum gravity effects turn on and they alter space-time. One can thus assume that at high energy scales, spacetime becomes discrete and the  coordinates do not longer commute. Such an approach could a priori be tested by its phenomenological and cosmological consequences. Combining noncommutative geometry [1, 2] with the spectral action principle, led to Noncommutative Spectral Geometry (NCSG), used by Connes and collaborators [3] in an attempt to provide a purely geometric explanation for the Standard Model (SM) of electroweak and strong interactions. In their approach, the SM is considered as a phenomenological model, which dictates the geometry of space-time so that the Maxwell-Dirac action functional leads to the SM action. The model is constructed to hold at high energy scales, namely at unification scale; to get its low energy consequences which will then be tested against current data, one uses standard renormalization techniques. Since the model lives at high energy scales, it can be used to investigate early universe cosmology.
Mairi Sakellariadou et al, Noncommutative spectral geometry and the deformed Hopf algebra structure of quantum field theory 13/01/13

The Standard Model (SM) of elementary particles has been tremendously successful in explaining the world at the smallest length scales that can currently be probed [1]. Yet, it leaves many feeling a bit uneasy for some of its properties appear to be rather ad hoc; few people believe that we have fully understood the Standard Model. The application of noncommutative geometry [2] (NCG) to the subatomic realm might over time increase our understanding of the Standard Model. A line of thought that started with the Connes-Lott model [3] culminated in a geometric description [4] of the full Standard Model. It derives both the correct particle content of the Standard Model, extended with right-handed neutrinos ( SM), as its full action by employing the principles of NCG and adding as little extra input as possible. On top of that, this description allows for a prediction of the Higgs boson mass [4, 5]. NCG might thus prove itself a valuable tool for model building in High Energy Physics.
Thijs van den Broek et Peter van Suijlekom Beyond the Standard Model with noncommutative geometry 14/01/13

Un mirage de mathématicien et de physicien ?
// L'une des difficultés de l'approche spectrale du modèle standard vient de ce qu'elle repose sur un formalisme qui n'est pas forcément familier à la majorité des physiciens et qui peut leur paraître avoir été développé de façon ad-hoc pour coïncider avec le modèle standard. Voici un extrait d'une critique assez détaillé du modèle de Chamseddine et Connes; il est à noté qu'elle est malheureusement datée de 2007 et qu'une solution semble avoir été (partiellement ?) trouvée au problème mentionné concernant le groupe de renormalisation.  
Right now, I think that they obtain as many results as the number of assumptions they insert. Except that they don't write the assumptions about the gauge group and representations on two lines as we usually do but spread them over 13 pages instead. ;-)
Also, the previous criticism applies: gravity is only unified with other forces at the level of words because they are controlled by independent constants and different components of a physically non-unified framework. And the predictions are inconsistent with the renormalization group - they either contradict the existence of running or they at least don't say what is the scheme and scale in which the predictions should be valid.
So as far as I can say, the work remains a physically vacuous artistic construction of a cool mathematician and his colleague.
Lubos Motl, Alain Connes: uniqueness of Standard Model 16/08/07

Une longue marche de phénoménologiste (vers un printemps noncommutatif) ?
// La qualité essentielle de la géométrie noncommutative spectrale, être un cadre solide et riche mathématiquement constitue aussi son premier défaut en tant qu'outil pour le physicien : il est très rigide et on risque de s'y perdre ! Les tentatives d'approfondissement de la phénoménologie de la physique des particules dans ce cadre noncommutatif au delà du modèle standard sont rares mais elles existent. Par ailleurs, outre le bourgeon de cosmologie noncommutative évoqué précédemment il semble qu'une nouvelle racine spectrale commence à pousser dans le riche terreau de la phénoménologie de la gravitation ...
In this publication we presented an extension of the Standard Model within the framework of Connes’ noncommutative geometry [1]. To obtain the model we slightly extended an extension of the Standard Model found in the classification of minimal spectral triples [7]. The fermionic sector of this minimal spectral triple contains the first family of the Standard Model fermions and an extra particle which we call the X-particle. This minimal model allows for an anomaly free charge assignment under the enlarged Standard Model
gauge group G = U(1)Y×SU(2)×SU(3)×U(1)X. We assumed that the Standard Model particles, including the Higgs doublet, are neutral to the new U(1)X gauge group, while the X-particles are neutral to the Standard Model gauge group but couple vectorially to U(1)X. Consequently their masses are gauge invariant and are therefore assumed to be of the order of the cut-off energy Λ ∼ 1017 GeV.
The phenomenology of this model seems intriguing. Since the classical prediction of the Higgs mass of mH ≈ 170 GeV [1, 19] from the spectral action is almost certainly excluded by the Tevatron [32] the model presented here may open a new window. For the case of a zero vacuum expectation value the mass of the Higgs particle remains almost unchanged compared to the Standard Model value of mH ≈ 170 GeV. But the
mass of the new particle can be as low as mϕ ≈ 73 GeV which is less than half the Higgs mass. Therefore the Higgs may decay into the new scalar thus changing its decay width. This could perhaps evade the restrictions posed by the Tevatron [32]. For the case of a nonzero vacuum expectation value the new scalar and the Higgs mix considerably. The mass eigenstates will in general consist of a rather light scalar particle 16mH1 ∼ 120 GeV and a heavy particle mH2 ≥ 170 GeV.
Christoph A Stephan, New Scalar Fields in Noncommutative Geometry 29/01/09

In the context of NonCommutative Spectral Geometry (NCSG), we have studied the precession of spin of a gyroscope orbiting about a rotating gravitational source. Such a gravitational field gives rise, according to General Relativity predictions, to the geodesic and the Lense-Thiriing processions, the latter being strictly related to the off-diagonal terms of the metric tensor generated by the rotation of the source. We have focused in particular on the gravitational field generated by the Earth, and on the recent experimental results obtained from the Gravity Probe B satellite, which has tested the geodesic and Lense-Thirring spin precession with high precision. We have calculated the corrections of the precession induced by NCSG corrections...
We were thus able to constrain ... a real parameter related to the coupling constants at unification, by recent observations on geodesic and frame-dragging precession generated by a rotating gravitational source and observed by Gravity Probe B. Note that this is a stronger constraint than the one imposed [10] by studying the energy lost from binary systems via emission of gravitational waves
Gaetano Lambiasea et al, Constraints on NonCommutative Spectral Action from Gravity Probe B 13/02/13

En attendant ILC et CLIC réunissent leurs forces pour éviter que ne claquent les portes du Paradis 
La crise économique (ou faible croissance (ou décroissance ?)) et les restrictions budgétaires frappent déjà durement la recherche sur la physique des hautes énergies au Etats-Unis, dans ce contexte il n'est pas étonnant d'apprendre grâce au Blog Physics and Physicists que les deux groupes internationaux de chercheurs qui travaillent sur la prochaine génération de grand accélérateur après le LHC, ont décidé très récemment d'unir leurs forces (pour garantir l'avenir de leur discipline ?).
The two most mature future particle physics projects, the International Linear Collider (ILC) and the Compact Linear Collider study (CLIC), have formed an official organisational partnership today. As the newly founded Linear Collider Collaboration, they will coordinate and advance the global development work for the linear collider, a global project to complement the Large Hadron Collider (LHC) at CERN and ultimately understand the deepest secrets of the universe. The Linear Collider Collaboration is headed by Lyn Evans, former Project Manager of CERN’s Large Hadron Collider (LHC). Hitoshi Murayama, Director of the Kavli Institute for the Physics and Mathematics of the Universe, will serve as a deputy director.
Exchange Magazine, COLLIDERS COLLIDING: ILC and CLIC unite in the Linear Collider  22/02/13









samedi 23 février 2013

Spéculations d'hier et d'aujourd'hui : de l'hypothèse atomique à celle "du grand désert"

Un quantum d'obstination (5)

L'histoire de ce billet pourrait commencer par cette nouvelle : Dieu ne joue pas seulement aux dés mais aussi à la roulette russe ...  
This year we learned that the Higgs mass is 125.5 GeV, give or take 1 GeV. As a consequence, we learned that God plays not only dice but also russian roulette. In other words, that life is futile because everything we cherish and hold dear will decay. In other words, that the vacuum of the standard model is not stable.  
Cette année, nous avons appris que la masse du Higgs est de 125,5 GeV, plus ou moins  1 GeV. En conséquence, nous avons appris que Dieu ne joue pas seulement aux dés mais aussi à la roulette russe. En d'autres termes, que la vie est futile parce que tout ce que nous chérissons va périr. En d'autres termes, que le vide du modèle standard n'est pas stable.
Adam Falkowski, What's the deal with vacuum stability? 12/10/12
Ce problème de stabilité du vide est désormais évoqué sous une forme un peu édulcorée dans les média de masse depuis cette semaine :
DU BOSON DE HIGGS À L'APOCALYPSE
Bad news. La particule de Dieu révélerait une profonde instabilité de l'Univers. Loin de l'éternité, son destin serait d'être, un jour, anéanti par une «bulle» contenant un univers alternatif...
M.A titre et chapeau d'un article de Slate.fr 20/02/13
La référence à l'apocalypse semble venir d'un article du New Scientist qui rapporte les propos suivants tenus par un physicien à l'occasion semble-t-il d'une réunion de l'association américaine  pour l'avancement de la science :
At some point, billions of years from now, it’s all going to be wiped out…. The universe wants to be in a different state, so eventually to realise that, a little bubble of what you might think of as an alternate universe will appear somewhere, and it will spread out and destroy us... 
À un certain moment, dans quelques milliards d'années à partir de maintenant, tout va être anéanti .... L'univers tend à vouloir être dans un état différent, donc finalement on est en train de se rendre compte qu'une petite bulle de ce que vous pourriez considérer comme un univers alternatif risque d'apparaître quelque part et de s'étendre jusqu'à nous détruire ...
 Joseph Lykken, déclaration citée dans New Scientist 20/02/13

... mais elle commence vraiment avec cette affirmation du blogueur Peter Woit ...
... This is based on a renormalization group calculation extrapolating the Higgs effective potential to its value at energies many many orders of magnitude above LHC energies. To believe the result you have to believe that there is no new physics and we completely understand everything exactly up to scales like the GUT or Planck scale. Fan of the SM that I am, that’s too much for even me to swallow as plausible.... 
... Ceci est basé sur un calcul du groupe de renormalisation extrapolant la valeur du potentiel effectif du boson de Higgs jusqu'à une énergie de plusieurs ordres de grandeur supérieure aux énergies accessibles au LHC. Pour croire au résultat de ce calcul vous devez croire qu'il n'y a pas de nouvelle physique et que les choses sont parfaitement comprises jusqu'à à l'échelle des théories de grande unification ou l'échelle de Planck. Fan du modèle standard comme je le suis, c'en est trop pour que j'avale ça comme quelque chose de plausible.
Peter Woit, Higgs News, Blog Not Even Wrong 21/02/12
//c'est moi qui met en caractère gras (et non Peter Woit).

... qui pousse le blogueur que je suis à réagir en proposant un premier commentaire ...
// Commentaire posté (et rejeté) sur le blog Not Even Wrong à la date du 22/02/13 (4:38 pm)
Dear Peter,
I don’t understand why physicists should be reluctant to test some speculative theories (drawn from extensions of the standard model) under the « big desert hypothesis » that consists in neglecting new physics from TeV scale up to the Planck one. This is an extrapolation by 16 orders of magnitude … so what ? Some chemists and physicists in the 19th century were bold enough to foster the atomic hypothesis from basically macroscopic experiments and then give insight in the invisible nanoscopic world : not an inaccessible space thanks to the ideas and calculations of Dalton, Avogadro, Ampère, Loschmidt … but possibly a futuristic world for that time and our very own world now, regarding everyday technology! As far as present-day speculations are concerned, it seems that, relying on this “big desert hypothesis” (besides neutrino mixing), the spectral standard model of Chamseddine and Connes does a pretty good job up to now, making nice postdictions and interesting predictions, in agreement with experimental facts (the positive result, there is one Higgs; and the negative ones, there seems to be no supersymmetric paticle at the LHC energy scale) http://arxiv.org/pdf/1208.1030v2.pdf !

Cher Peter,
Je ne comprends pas pourquoi les physiciens devraient répugner à tester certaines théories spéculatives (établies à partir d'extensions du modèle standard) dans le cadre de « l'hypothèse du grand désert » laquelle consiste à supposer qu'il n'y a pas de nouvelle physique entre l'échelle du TeV et celle de Planck. Il s'agit d'une extrapolation de 16 ordres de grandeur ... et alors? Certains chimistes et physiciens du XIXème siècle ont été assez audacieux pour soutenir l'hypothèse atomique à partir d'expériences fondamentalement macroscopiques donnant ainsi une "vision" d'un monde nanoscopique certes invisible à l'oeil nu mais pas pour autant un espace inaccessible et ce grâce aux idées et aux calculs spéculatifs de Dalton, Avogadro, Ampère, Loschmidt ... un monde peut-être  futuriste pour l'époque mais qui est aujourd'hui notre monde, celui de la technologie de tous les jours! En ce qui concerne les spéculations actuelles, il semble que, en s'appuyant sur cette « hypothèse du grand désert » (et en prenant en compte le mélange des neutrinos), le modèle standard spectral de Chamseddine et Connes fasse un très bon travail jusqu'à présent offrant des postdictions précises et des prédictions intéressantes, en accord avec les faits expérimentaux (qu'il s'agisse d'un résultat positif comme la mise en évidence d'un boson de Higgs ou de résultats négatifs comme l'abscence de détection de particules supersymétriques à l'échelle d'énergie du LHC).                              
... puis un second
// Commentaire posté (en attente de modération ? et rejeté aussi) le 24/02/13 (4:53 am)
It seems I am not alone feeling uncomfortable or bored with this rhetoric about the Higgs particle: the former “God particle” and now this “herald” of “apocalypse”.« Sacrés Américains ! » I could exclaim but I guess it’s just “l’écume des jours médiatiques” (the scum of days in a media world) …
But reading your post, Peter, I wonder if I am the only one asking : why are you reluctant to make large extrapolations in physics like the so called “ (big) desert hypothesis”? Is it not just the simplest one for any bottom-up approach to the Planck scale, based on effective quantum field theories or noncommutative geometry ?
As a SM enthousiast I guess that its validity goes at least from 10 ^-18 eV (upper limit of the photon mass) to 10 ^+12 eV (LHC energy), these are 30 orders of magnitude on the energy scale ! Then the 16 ones of the “big desert hypothesis” from TeV scale to Planck scale are just one giant step further, half long forward so to speak ! But I could be wrong about the former estimate … What do you think about it ?
Il semble que je ne sois pas le seul à être mal à l'aise ou ennuyé par cette rhétorique sur la particule de Higgs : autrefois présentée comme "particule de Dieu", et maintenant "héraut" de "l'apocalypse".
"Sacrés Américains !" serais-je tenté de m'écrier mais je suppose que c'est juste "l'écume des jours médiatiques" ...
Mais à la lecture de votre post, Peter, je me demande si je suis le seul à me poser cette question : pourquoi êtes-vous réticent à faire des extrapolations importantes en physique comme " l'hypothèse du (grand) désert " ? N'est ce pas seulement la plus simple à faire dans n'importe quel approche ascendante vers l'énergie de Planck, qu'elle soit basée sur des théories quantiques des champs effectives ou la géométrie non commutative ?
En tant qu'"enthousiaste" du Modèle Standard  je dirais que sa validité va au moins de 10-18 eV (limite supérieure de la masse du photon) à 1012 eV (énergie caractéristique du LHC), cela représente 30 ordres de grandeur sur l'échelle énergétique ! Ensuite les 16 ordres de grandeur de l 'hypothèse "du grand désert" représentent juste un gigantesque bond, la moitié d'un pas vers l'avant pour ainsi dire ! Mais mon estimation précédente est peut-être fausse ... qu'en pensez vous ?

Des précisions sur l'hypothèse "du grand désert" et quelques développements récents qui valent la peine d'être mentionnés
// Où l'histoire récente de la physique des particules montre qu'il peut être intéressant de faire des hypothèses simples et audacieuses, même au risque de se tromper dans un premier temps, pour peu qu'on ait un cadre physico-mathématique rigoureux ou éprouvé par l'expérience ... et que l'on sache tirer la substantifique moelle des résultats de mesures.
Voici pour commencer la première (?) occurrence du terme "hypothèse du grand désert" dans un article scientifique daté de 2006, faite dans le cadre de la théorie spectrale du modèle standard. 


Il faut noter que la valeur de la masse du boson de Higgs calculée dans cet article est aujourd'hui connue pour être fausse depuis que sa valeur réelle a été mesurée ! Mais cette nouvelle ne marque pas la fin du modèle spectral, seulement une erreur de jeunesse pour ainsi dire. C'est du moins ce que tend à démontrer l'extrait suivant qui - amusant clin d'oeil de l'histoire - tire justement profit de ce que la masse particulière du boson scalaire de Higgs risque d'induire une instabilité du vide quantique pour "ressusciter" un autre scalaire dont l'existence était prédite par le modèle spectral mais qui avait été négligé dans le passé et dont la prise en compte effective permet finalement à la fois de restaurer  la stabilité du vide et de sauver le modèle spectral (en lui faisant post-dire une masse du Higgs en accord avec l'expérience) !

The above discrepancy between 125 and 160 - 180 Gev could be brushed away due to the enormous extrapolation involved in running down from unification scale of 1017 Gev to the electroweak scale, arguing that the order of magnitude of the mass is correct while getting the precise value was too much to ask. But a second difficulty is much more problematic: since such a low mass of the Higgs creates an instability in the Higgs potential (where the quartic coupling of the Higgs becomes negative at high energy) thus ruling out the “big desert” hypothesis which we were using, and invalidating the positivity of the coupling at unification which is an essential prediction of the spectral action. 
The main result of this paper is that the full spectral action as computed in our previous paper [2], published in 2010, in fact already contains the solution to this second difficulty and at the same time shows the compatibility of the spectral model with the above low experimental Higgs mass. The fact is that in our previous prediction of the Higgs mass, we assumed, incorrectly, that the additional real singlet field σ responsible for the neutrino Majorana masses [2] would not interfere much with the Higgs mass prediction and could be ignored. We became aware of the non-trivial role played by such a scalar field when we realized that it has the same structure of couplings as in the papers by various authors [3], [4], [5], [6], [7] who proposed to solve the above instability problem of the Standard Model precisely by adding a new scalar field strongly coupled to the Higgs. Their result shows that, adding this new scalar field, everything would be fine, with a Higgs of 125 Gev, for SM at high energies. It turns out that by miracle their proposed couplings are exactly the same as the ones which were delivered before by the spectral action in [2].
Chamseddine et Connes Resilience of the Spectral Standard Model  27/08/12


L'hypothèse du désert a aussi toute sa place dans les spéculations sur la physique des particules plus traditionnelle, celles construites dans le cadre des théories quantiques des champs  effectives (qui ont déjà montré leur efficacité dans le passé). C'est ce que montre de façon exemplaire ce récent article de Pavel Fileviez Perez dont voici un bref extrait : 

It is well-known that in physics beyond the Standard Model (SM) very often one has to think about the violation of two SM symmetries, Baryon (B) and Lepton (L) numbers, and postulate the existence of a large desert between the low and high scales. It was pointed out by S. Weinberg long time ago that one can write down operators such as, O5=cνLLHH/Λ and O6=cBLQQQL/Λ2, where the first one breaks total lepton number and the second operator violates both symmetries. Typically, one can compute the coefficient in front of these operators in a grand unified theory defined at the high scale. The scale in O6 has to be very large, i.e. > 1014-16 GeV, in order to satisfy the bounds on the proton decay lifetime. See Fig.1 for a cartoon illustration of the desert hypothesis in particle physics.
Fig 1 : "L'hypothèse du désert" en physique des particules illustrée 
 dans un article de 2012 intitulé 

Il est bien connu que dans la physique au-delà du Modèle Standard (MS), la violation possible de deux symétries du MS est souvent envisagée, celles associées à la conservation des nombres baryoniques (B) et leptoniques (L), et on postule alors l'existence d'un grand désert entre petite et grande échelle d'énergie. Il a été remarqué par S. Weinberg il y a longtemps déjà que l'on peut écrire des opérateurs tels que O5=cνLLHH/Λ and O6=cBLQQQL/Λ2  où le premier opérateur viole la conservation du nombre total de leptons et le second brise les deux symétries. En règle générale, on peut calculer le coefficient devant ces opérateurs dans une théorie de grande unification définie aux grandes échelles d'énergie. L'échelle de O6 doit être très grande, c'est à dire > 1014-16 GeV  afin de satisfaire les limites sur la durée de vie du proton. Voir la Fig.1 pour une illustration imagée de l'hypothèse du désert en physique des particules.


mardi 19 février 2013

Deux détecteurs se taisent momentanément sur Terre ... Un autre dans le Ciel va bientôt parler

Après un Higgs en 2012, un Wimp (ou toute autre particule de matière noire) pour 2013 ? 
Si l'on veut avoir une idée de ce que certains physiciens des particules ont pensé de l'année 2012 en terme de résultats expérimentaux et espèrent comme récolte pour l'année 2013, le blog Résonaances offre un point de vue intéressant. En tête des évènements marquants de l'année précédente figure évidemment la découverte de ce qui a tout l'air aujourd'hui d'être un boson scalaire de Higgs par les détecteurs ATLAS et CMS. Or depuis le 14 février 2013 l'accélérateur qui produit ce genre de particule a été arrêté pour de long travaux de maintenance et de consolidation qui devraient prendre deux années. 
"Quand les temps sont durs on tourne ses yeux vers le ciel" dixit Jester ou plus précisément Adam Falkowski  l'auteur du blog en question). Or dans ce billet daté du 18 janvier il est question de l'expérience AMS-02 qui  devrait présenter ses premiers résultats en début d'année 2013. Cette expérience est comme le montre la figure ci-dessous montée sur la Station Spatiale Internationale et n'est rien de moins que le détecteur de particules le plus sophistiqué jamais envoyé dans l'espace (et aussi le plus cher, ce que le New York Times ne manque pas de rappeler lors de cette entrevue avec le physicien américain à la tête de cette lourde expérience, l'illustre prix Nobel : Samuel Ting). 

Cette vue montre la Station Spatiale Internationale ISS avec la navette spatiale Atlantis amarrée à droite et un vaisseau russe Soyouz arrimé, en haut à gauche. Dans la partie inférieure droite au premier plan, on voit le spectromètre magnétique Alpha (AMS-2), installé durant la mission STS-134.

Le rôle de ce détecteur est d'analyser les flux de rayons cosmiques chargés (dont on a fêté le centenaire de la découverte en 2012), en mesurant en particulier leur spectre énergétique (comme l'indique le nom du détecteur). Les ambitions des scientifiques qui utilisent cet outil sont naturellement à la hauteur de son coût. Il s'agit rien de moins que d'apporter des éléments de réponse aux grands mystères de l'astrophysique contemporaine : existe-t-il de l'antimatière dans l'univers (AMS peut aussi être l'acronyme de Anti-Matter in Space), existe-t-il de nouvelles formes de matière comme les étrangelets et quelle est la nature de la matière noire ? Les physiciens des astroparticules espèrent en particulier voir la trace, indirecte, d'une particule massive interagissant faiblement autrement dit un WIMP (Weakly Interacting Massive Particle) ...

Evitant de succomber au charme des annonces fracassantes, Samuel Ting reste un physicien prudent...
... comme il l'était déjà en 1974, lorsqu'il n'annonça la découverte d'une nouvelle particule (la résonance J/ψ) qu'après de nombreux et méticuleux tests effectués pour éliminer toute erreur d'interprétation de mesures. La lecture de sa conférence Nobel de 1976 est une magnifique illustration de cette rigueur; oui car cette découverte lui vallut d'être récompensé deux ans après seulement (et conjointement avec Burton Richter) par le fameux prix montrant bien l'importance de cette découverte qui marqua un tournant pour la physique des particules (connu sous le nom de Révolution de Novembre 1974 !).


It was only in November of 1974 that the discovery of the J/ψ meson – a m=3.1 GeV particle immediately recognized as a charm-anticharm bound state- convinced particle physicists that the quark model of hadrons was not a mathematical construct but a truthful description of reality. 
Ce n'est qu'en Novembre 1974 que la découverte du méson J / ψ  une particule de masse  égale à 3,1 GeV immédiatement reconnue comme formée d'une paire charme-anticharme  convainquit les physiciens des particules que le modèle des quarks pour les hadrons n'était pas qu'une construction mathématique mais aussi une description véridique de la réalité.
Tommaso Dorigo, Top quark: a short history – part I November 15, 2007

... mais qui doit maintenant présenter des résultats (rendre des comptes?) à la communauté scientifique et au public !
Ces derniers jours la blogosphère, dans ses dimensions institutionnelle et publique, bruisse d'une annonce imminente des premiers résultats de l'expérience AMS-2 que dirige Ting; résultats qui suscitent beaucoup d'attente comme on  l'a déjà dit et comme le prouvent les extraits suivants :
Ting did say that he is on the verge of releasing a paper showing how the ratio of positrons (the antimatter counterpart of electrons) to electrons passing through the space station’s near-Earth orbit varies with energy. That ratio is a key parameter in the search for dark matter, which is thought to make up 85% of the matter in the Universe. Some theories predict that dark-matter particles will annihilate in space, producing an excess of positrons that particle detectors can capture. At least two space missions, the Payload for Antimatter Exploration and Light-nuclei Astrophysics (PAMELA) and the Fermi space telescope, have already seen hints of such an antimatter excess, but they have not captured a killer signature. Ting hopes that his more sensitive spectrometer can nail the signal, which would show up as an abrupt bump in the excess at a particular energy. Alternative astrophysical sources, such as pulsars, could also produce an excess, but couldn’t as easily produce a sharp bump. 
Ting a déclaré qu'il est sur ​​le point de publier un article montrant comment le rapport du flux des positrons (l'homologue d'antimatière des électrons) sur celui des électrons traversant l'orbite de la station spatiale [internationale] varie avec l'énergie. Ce ratio est un paramètre clé dans la recherche de la matière noire, qui est supposée représentée jusqu'à 85% de la matière dans l'Univers. Certaines théories prédisent que les particules de matière sombre peuvent s'annihiler dans l'espace, produisant un excès de positrons que les détecteurs de particules peuvent capturer. Au moins deux missions spatiales, PAMELA (Payload for Antimatter Exploration and Light-nuclei Astrophysics) et le télescope spatial Fermi, ont déjà vu des indices d'un tel excès d'antimatière, mais ils leur manquent une signature irréfutable. Ting espère que son spectromètre plus sensible pourra capturer cette signature, qui apparaîtrait comme un maximum marqué dans la courbe d'évolution du ratio positrons sur électrons à une énergie caractéristique. D'autres sources astrophysiques, comme les pulsars, pourraient aussi produire un excès d'antimatière mais elles ne pourraient pas aussi facilement produire un maximum aussi aigu.
Eugenie Samuel Reich, Blog Nature Dark-matter search from the space station continues to tease 17/02/13

L'enthousiaste, le sceptique et le spécialiste
Suite à cette première conférence de presse de Ting qui n'a rien laissé filtrer d'une éventuelle découverte, l'attente ne fait que croître parmi les scientifiques enthousiastes qui espèrent quelque chose de nouveau et d'aussi (ou de plus in)attendu que le Higgs, quelque chose qui marquerait vraiment l'entrée de la physique des astroparticules dans une nouvelle aire, une découverte semblable par exemple à celle de l'antimatière en 1932 : lorsque Carl David Anderson observa dans des rayons cosmiques le premier positron  grâce à une chambre à brouillard. Un célèbre promoteur des théories supersymétriques, lesquelles sont à la base des prédictions sur les Wimps, compte les jours espérant que ses attentes seront comblées et ses vues sur la physique de l'infiniment petit confirmées (comme le furent celle de Dirac qui avait prédit l'existence de l'antimatière en 1928).  
These observations may turn out to be a de facto discovery of the dark matter particle – whose mass (if it is WIMP) is theoretically expected to be between 30 and 1,000 GeV; AMS is looking for electron-positron traces assuming that the mass is between 0.5 and 350 GeV...  The fascinating possibility is that the new hypothetical particles – if they exist at all – could be observed by three entirely different methods almost simultaneously: by seeing their annihilation through AMS-02; by directly detecting them in the direct search experiments under the ground; and by producing them at the LHC. It would be almost like an instant proof of God by seeing the Father, Son, and Holy Ghost in the same year. ;-) 
Ces observations peuvent se révéler être une découverte de facto d'une particule de matière noire - dont la masse (si c'est un WIMP) devrait théoriquement se situer entre 30 et 1000 GeV; AMS est à la recherche d'une signature dans le ratio électron-positron pour une plage de masse qui se situe entre 0,5 et 350 GeV ... Une perspective fascinante serait que les nouvelles particules hypothétiques - si elles existent - pourraient être observées par trois méthodes complètement différentes et presque simultanément : en voyant leur annihilation par AMS-02, directement en les détectant dans les expériences de recherche directe sous terre, et en les produisant au LHC. Ce serait presque comme une preuve instantanée de Dieu en voyant le Père, le Fils et le Saint-Esprit dans la même année. ;-)
Lubos Motl, Blog The Reference Frame AMS-02 dark matter results in 2-3 weeks 18/02/13

D'autres physiciens blogueurs, au vu de résultats précédents pas assez conclusifs sont plus circonspects. 
The PAMELA and FERMI satellites launched in the previous decade have been providing us with precise measurements of the high energy cosmic ray spectra. One thing we definitely have learnt is that it is painstaking to search for dark matter this way. Several excesses over theoretical predictions have been reported so far: PAMELA's positrons, Fermi's electrons, Fermi's photons from the galactic centre. They all have a plausible interpretation in terms of models of dark matter and an equally plausible interpretation in terms of boring astrophysicalphenomena. AMS may provide more input regarding the high energy spectra. As can seen in the plots of the projected sensitivity, after 10 years of data taking they expect to extend the measurement of the positron and antiproton spectra up to almost TeV (compared to the current reach of PAMELA of about 200 GeV).

 Simulation (disques colorés) de spectres énergétiques du flux relatif de positrons telle qu'ils seraient obtenus après dix ans d'accumulation de données par l'expérience AMS-02 (en 2021 ?). Chaque courbe est paramétrée par la masse d'une particule de matière noire (wimp) utilisée dans le modèle. Quelques mesures (cercles) réelles d'expériences antérieures sont aussi visibles à gauche sous la forme de cercles colorés. (d'après Andrei Kounine
It's hard to say if these projections are realistic, since it is not clear how much the resolution at high energies is degraded due to the replacement of the superconducting magnet by a weaker permanent one. Assuming they are realistic, particle physicists will be able to refine their models of dark matter, and astrophysicists to refine their models of pulsars. In any case, the chances for a smoking gun signal of dark matter appear slim at this point. 
Adam Falkowski, Blog Résonaances :  AMS is on 23/05/11


Pour terminer sur un document plus technique (plus neutre ?) on peut lire par exemple cet article de revue daté de 2011 sur l'état de l'art de la recherche de matière noire par la physique des astroparticules. Voici un extrait de sa conclusion consacré au détecteur AMS-02.
AMS-02 ... will signicantly improve on current CR observations, especially for positrons and antiprotons. For example, the enhanced particle-identi cation capabilities of AMS-02 will clarify whether the PAMELA positron measurements are contaminated by misidentified protons, and they will extend the positron data to higher energies. This is likely to improve the indirect search for DM in general ... and the interpretation of the PAMELA positron abundance in particular.

T. A. Porter et al. Dark Matter Searches with Astroparticle Data 04/2011



samedi 16 février 2013

Mais, c'est un astéroïde ? Non camarade, c'est un météore !

On se couche en rêvant d'observer le lendemain le discret passage d'un astéroïde 
Il était une fois un professeur de sciences de France et de Navarre, adepte de la chasse aux informations dans la jungle du web, qui était allé consulter le site de l'agence spatiale européenne au sujet du passage à proximité de la Terre de l'astéroïde 2012 DA 14, passage prévu pour le lendemain soir : vendredi 14 février de l'an de grâce 2013. Il s'était ainsi préparé à affronter vaillamment les questions que ne manqueraient pas de lui  poser les charmantes mais férocement sur-informées  "curiosi-têtes blondes" qui peuplent  sa cité scolaire. Il avait même prévu d'illustrer la fin de ses cours du vendredi avec quelques infographies glanées sur le forum futura-sciences.com ou bien sur le site de la revue Ciel et Espace afin de les convaincre de l'absence de danger de collision déduite des prévisions des astronomes obtenues grâce à nos connaissances des lois de la physique. Il pensait aussi donner des conseils aux jeunes amateurs d'astronomie pour tenter d'observer aux jumelles le petit astéroïde.


On se réveille avec la nouvelle fracassante d'un météore dans le ciel de l'Oural !
Or donc le lendemain quelle n'est pas sa surprise quand, effectuant la prière du matin de l'homme post-moderne, il lit sur sa tablette tactile cette nouvelle fracassante :  En Russie, une pluie de météorites fait un millier de blessés !


L'oeil-caméra ubiquiste était là qui enregistrait le passage du météore, 
au bon endroit et au bon moment et même avec le cadre parfait !


Evidemment il faut toujours se méfier un peu des titres de Une et chercher plus d'informations afin de croiser les sources mais le devoir appelle le professeur et il lui faudra attendre un peu pour voir la vidéo ci-dessous qui ne montre pas directement une pluie de météorites mais un gros météore qui semble exploser pendant dans sa course vers le sol.
Confiant dans les lois de la physique mais prudent vis à vis de la fiabilité des modèles qui les utilisent il ne s'avance pas trop devant ses élèves l'après-midi lorsqu'ils l'interrogent sur le lien éventuel entre ce météore venu de l'Oural et le passage de l'astéroïde prévu le soir même : il dit qu'il n'a pas assez d'information pour dire s'il y a un lien éventuel...
Quoiqu'il en soit, à la date et l'heure prévue par les astronomes, l'astéroïde 2012 DA 14 est bien là pour sa  "proche rencontre" avec la Terre comme l'atteste par exemple les images ci-dessous.


  Une séquence animée de prises de vue réelles illustrant le passage
de l'astéroïde 2012 DA 14  alors à 36 500 km de la Terre.
 Les images ont été prises avec un télescope du projet web 2.0
de télescope virtuel virtualtelescope.eu mis en place par Gianluca Masi.


Entre un météoroïde non identifié et des météorites très  recherchées, le désormais célèbre météore de Tchéliabinsk 
Il faudra que le professeur attende la fin de sa journée de travail pour lire plus d'informations sur ce qui c'est passé dans le ciel russe le matin même au dessus de la région de Tchéliabinsk. Il découvrira en particulier avec un certain vertige qu'il y a déjà une page wikipédia en anglais très fournie sur le désormais météore russe de 2013 et aussi une page en français (la rédaction de la première semble commencer environ une heure après l'évènement et la seconde sept heures après la première!) et il lira aussi avec une certaine curiosité les premières réactions des témoins russes de l'évènement, rapportées à travers leurs tweets.
Or donc ce qui s'est réellement passé, ou du moins ce que les nombreuses vidéos montrent, c'est l'apparition dans un ciel matutinal d'un authentique météore qui se désintègre brutalement dans les hautes couches de l'atmosphère et qui provoque du coup une violente onde de choc soufflant les vitres et portes de nombreux bâtiments. Plus tard dans la journée l'identification de probables cratères d'impacts causés par des débris du météore commence, en particulier sur un lac gelé, bientôt suivie d'une inévitable chasse à la collecte de météorites, certaines peut-être déjà entre les mains des autorités.


A propos de  Kaira ...
Reste pour le professeur la question de savoir s'il y a un éventuel lien entre le météore russe de 2013 issu par définition d'un météoroïde (qui peut être en gros soit un astéroïde soit un noyau de comète) et l'astéroïde précédent. En suivant un lien hypertexte (à partir d'une page wiki en anglais) notre professeur découvre un blog scientifique finlandais qui lui donne une réponse claire : "il n'y en a pas, c'est juste une coïncidence très improbable".
... we need to look at the trajectories. The asteroid 2012 DA14 is approaching from the south. It will slingshot past the Earth and continue rising to the North.
However, the Chelyabinsk event is coming from a different direction. The city is at 55°09′N 61°23′E and the event radiant (the position of origin of the meteor) is above and to the left of the rising sun. 
... even with the uncertainty, this is still in a COMPLETELY different direction.
Also, we can consider the timing of the events. The closest approach of 2012 DA14 will occur at approximately 19:24 UTC. The Chelyabinsk event occurred at about 9:20 am local time... which is 03:20 UTC. (UTC is Coordinated Universal Time, and provides a common time-zone to allow the comparison.)
If we consider the difference, it is approximately 18 hours. The asteroid is travelling at approximately 8 km/s and, if the Chelyabinsk object was related, it would have required a deep space velocity of about the same. Even if the two were related, this would put the two objects some half a million km apart. 
In any case, the two events are not related.
This is just a VERY unusual coincidence.
 Derek McKay-Bukowski, Blog KAIRA, 15/02/2013

Le professeur note au passage un petit clin d'oeil du destin à travers le nom du blog (qui est l'acronyme anglais de Kilpisjärvi Atmospheric Imaging Receiver Array) car, ayant eu la chance de faire un cours séjour en Finlande début janvier, il a reconnu le mot finlandais pour désigner l'outil qui permet de forer un trou dans un lac gelé afin d'y pêcher à savoir : kaira !  

L'énigme de Toungouska sera-t-elle détrônée (ou bien résolue) par (grâce à l'étude de) ce nouveau météore ?
Naturellement cet évènement survenu en Russie fait resurgir des mémoires d'autres plus anciens et donc nimbés de plus de mystères encore, comme celui survenu à Toungouska en 1908. Un site scientifique richement documenté de l'université de Bologne y est entièrement consacré. Il est impossible naturellement de résumer son contenu. On y trouve par exemple cet intéressant article qui non seulement résume bien l'explication standard de l'évènement de Toungouska basée sur la chute d'un météoroïde mais tente aussi de trancher entre une origine astéroïdaire ou cométaire par un modèle probabiliste qui conduit respectivement aux valeurs 83% et 17% pour les probabilités relatives des deux hypothèses. On peut ensuite comparer cette analyse qu'il est raisonnable de qualifier d'orthodoxe avec une autre interprétation faite par un astrophysicien plus hétérodoxe qui met en jeu non pas le ciel mais plutôt les enfers ou plus précisément ... un volcanisme sous-terrain !
Sinon la "curiosithèque" que représente la base d'articles scientifiques en ligne arxiv offre toujours l'occasion de faire un beau voyage avec ce mot clé de Toungouska véritable sésame pour découvrir des phénomènes, des objets ou des théories exotiques : les écoulements hypersoniques, l'électrophonie, la cosmogonie explosive des petits corps, la ceinture de Kuiper et le nuage de Oort, la panspermie, le monde miroir ...
Naturellement il ne faut pas perdre de vue qu'en sciences comme ailleurs il faut savoir être non seulement prudent mais aussi un sceptique actif :
And when such claims are extraordinary, that is, revolutionary in their implications for established scientific generalizations already accumulated and verified, we must demand extraordinary proof.  
Et lorsque de telles affirmations sont extraordinaires, c'est-à-dire lorsqu'elles impliquent une révolution des théories scientifiques déjà établies et vérifiées, nous devons demander des preuves extraordinaires. 
 Marcello Truzzi, The Zetetic

Une bonne part de la subtilité de cette sentence réside dans la difficulté à définir précisément ce que l'on entend par "évènements extraordinaires, affirmations extraordinaires et ... preuves extraordinaires", la zététique  créant parfois comme outil de propagande plus de controverses qu'elle n'est censée en résoudre comme discipline scientifique !

//Mise à jour lundi 18/02/13








mercredi 13 février 2013

Quand l(es)'électron(s se) donne(nt) à voir (ou) la poétique de la physique expérimentale

Des rayons cathodiques à l'électron 
L'électron en tant qu'entité individuelle sub-atomique peut apparaître comme une abstraction théorique difficilement accessible à nos sens. Il ne faut pourtant pas oublier que son identification expérimentale définitive repose sur des expériences très visuelles du XIX siècle, expériences basées sur la luminescence des rayons cathodiques, phénomène découvert par Michael Faraday dès 1838 mais qui ne sera exploité quantitativement (et judicieusement) par Joseph John Thomson qu'en 1897 à travers la mesure de certaines propriétés des électrons dont les rayons cathodiques constituent une manifestation lumineuse collective.
I am no poet, but if you think for yourselves, as I proceed, the facts will form a poem in your minds.
 Je ne suis pas poète, mais si vous pensez par vous-même, comme je procède, les faits formeront un poème dans votre esprit.
Michael Farday Lecture notes of 1858





Esthétique du phénomène naturel et de l'artefact : est ce la physique qui imite les arts plastiques...
Les aurores polaires (boréales et australes) constituent une autre manifestation lumineuse spectaculaire de faisceaux d'électrons (et de protons) ayant cette fois une origine essentiellement solaire (et interagissant avec l'atmosphère et le champ magnétique terrestre). Henri Becquerel dès 1879 eut semble-t-il l'intuition de leur nature assez précisément, nature qui fut confirmée par l'expérience de la Terrella de Kristian Birkeland


De tout temps, les aurores polaires ont suscité la fascination et des interprétations diverses. Ces  manifestations demeurèrent inexpliquées jusqu’en 1896, année où Kristian Birkeland - physicien norvégien (1867-1917) qui étudia le magnétisme solaire - réussit à reproduire ce phénomène à l’aide d’une machine appelée Terrella. En 1917, l’appareil est montré pour la première fois au public norvégien. Un siècle après cette découverte, les deux artistes, Dove Allouche et Evariste Richer qui collaborent entre 1999 et 2002, décident après un séjour d’observation dans le nord de la Norvège, de reproduire à l’identique cette machine d’un autre temps. Cette réplique réalisée avec l’aide de plusieurs scientifiques se présente comme une chambre sous vide qui permet la reconstitution artificielle d’une aurore polaire. Son calendrier d’activité magnétique est calé sur les dates et horaires de celles de l’année 1917.
La Terrella 2002, extrait du dossier de presse de l'Exposition Spy Numbers, Palais de Tokyo Paris 2009

... ou les arts plastiques qui s'inspirent de la physique ?
Il faut enfin souligner que les rayons cathodiques ont été à la base des technologies d'affichage électronique tout au long du XXème siècle et jusqu'au début des années 2000; si la télévision a été l'avatar le plus connu du grand public c'est l'oscilloscope qui fut longtemps le plus répandu dans les laboratoires. L'usage de ce dernier inspira d'ailleurs au mathématicien et artiste Ben F. Laposky la création des premières "images  électroniques" (computer graphics) qu'il photographia et présenta comme œuvres d'art à partir de 1950.


Ben Laposky, Oscillons 40, 1952
Dans les années 1950, l’artiste et ingénieur Ben Laposky photographie la série des Oscillons, ondes électriques produites par les oscilloscopes cathodiques. Il compare ces dessins géométriques lumineux à de la musique visuelle. « Les abstractions, comme nous l’avons montré, sont créées par des ondes électriques, tout comme la musique se compose d’ondes sonores. Les motifs sont abstraits et mathématiques, tout comme la musique est, pour une très large part, abstraite et mathématique. » 
Extrait d'une plaquette pédagogique 2010