Qu'est ce qui attend le physicien des particules après le boson de Higgs ?
//Cette question émerge naturellement de la problématique du billet précédent mais pour ne pas le rendre trop long on a préféré l'approfondir dans celui-ci.
L'enfer d'un grand désert ?
Le site Futura Sciences propose un intéressant article sur les dernières nouvelles du boson de Higgs collectées fin décembre 2012 ; en voici un extrait en lien direct avec la problématique qui nous intéresse :
... il se peut que le boson de Higgs soit tout ce qu'il y a de plus standard, et que le modèle électrofaible et la QCD soient valables jusqu'à la masse de Planck, caractéristique des effets de la gravitation quantique, sans qu’apparaissent de nouvelles forces ou particules. Oui, c'est triste, mais c'est possible... Nous pourrions donc être confrontés au cauchemar du scénario du désert de la fin des années 1970, lorsqu’on imaginait que, tout au plus, avant ces effets de gravitation quantique, les autres forces s’unifiaient dans le cadre d’une GUT à des énergies tellement élevées que l’humanité ne pourrait jamais explorer de la physique au-delà du modèle standard directement en accélérateur.Techniquement parlant, il suffit de vivre dans une zone de stabilité ou de métastabilité du vide jusqu'à l’échelle d’énergie d’une GUT ou de celle de la masse de Planck (1016 TeV). Il y a de nombreuses études sur ce sujet en ce moment (voir les publications de John Ellis par exemple). Mais du fait de la très haute sensibilité aux incertitudes théoriques, les prédictions sont à prendre avec des pincettes.J’espère très sincèrement que nous n’allons pas vers un tel scénario, même s’il reste énormément de choses à étudier et à comprendre au sein du modèle standard. Ce serait aussi très excitant d’avoir une fenêtre d’observation tangible vers de la physique qui aille au-delà, en dehors de celle des masses des neutrinos (ces dernières n’étant pas décrites au sens strict par le modèle standard).
Julien Baglio, 26/12/12
Dans la même veine, on notera aussi ces propos plus anciens (prémonitoires ou pas?) d'Ethan Siegel à propos de la découverte du boson de Higgs et de la valeur de sa masse
…a nightmare scenario for everything else, including supersymmetry, extra dimensions, and string theory. Because finding the standard model Higgs at this energy means that there’s no need for any of those things. A Higgs at 125 GeV and nothing else at the LHC, totally consistent with the standard model, mean that if supersymmetry exists, it needs to be at such a high energy that it no longer solves the problem it was designed to solve!
... Un scénario cauchemardesque pour toutes les autres théories, y compris la supersymétrie, les dimensions supplémentaires, et la théorie des cordes. Parce que trouver le Higgs du modèle standard à cette énergie signifie qu'il n'y a pas besoin de toutes ces choses. Un Higgs à 125 GeV et rien d'autre au LHC, totalement compatible avec le modèle standard, signifie que si la supersymétrie existe, elle doit se situer à une énergie trop élevée pour résoudre le problème pour lequel elle a été conçue !
propos d'Ethan Siegel rapportés par un blog du site Science 2.0 le 04/07/12
... and this would mean that we’d never understand why the Higgs couples the way it does, or why the particles in the Universe have the masses that they do; the best we’d be able to say is, “They just do.”
So I’m hopeful that they don’t find only the Higgs, because if they do, we could be living through the last hurrah of particle physics, and there’s too much that we still need to know! Here’s hoping…
... et cela signifierait que nous n'aurions jamais compris pourquoi le Higgs interagit de la façon dont il le fait, ou pourquoi les particules dans l'univers ont les masses qu'elles ont, le mieux que nous serions en mesure de dire, c'est " Les choses sont ainsi faites."J'espère donc qu'ils ne trouveront pas seulement le boson de Higgs, parce que si c'est ce qui arrive, nous pourrions vivre le dernier tour de piste de la physique des particules, et il y a trop de choses que nous avons encore besoin de savoir ! Donc espérons ...
Ethan Siegel The Horror of the Higgs, Blog Starts with a Bang ! 04/11/12
// Comme on le sent poindre dans ces extraits et comme le confirme la lecture plus approfondie des billets dont ils sont tirés, la crainte de certains physiciens est semble-t-il - derrière l'écran de fumée médiatique d'une éventuelle instabilité du Vide entraînant un hypothétique apocalypse de l'Univers - essentiellement de nature sociologique. Dit autrement : est ce que les physiciens qui travaillent au LHC auront-ils encore du travail dans le futur s'il existe des arguments théoriques solides pour laisser croire qu'il n'y a plus de particules à découvrir au delà du boson de Higgs ... ?
Un oasis d'espoir ?
// Et si la solution à ce problème était de nature avant tout épistémologique ? En effet comme on l'a déjà expliqué dans des billets plus anciens sur ce blog, la découverte du Higgs et l'absence de supersymétrie à l'échelle électrofaible testée au LHC pourrait marquer une (r)évolution de paradigme. C'est du moins ce que pourraient initier quelques physiciens et mathématiciens autour du programme mathématique de géométrisation noncommutative du modèle standard et du rêve physique d'unification avec la relativité générale grâce au principe d'action spectrale. Ce projet semble rencontrer encore assez peu d'échos dans la communauté des physiciens des particules (pour des raisons sur lesquelles nous reviendrons dans les deux paragraphes suivants) mais il semble que des travaux nouveaux commencent à émerger sur différents fronts allant de la phénoménologie des particules ou de la gravitation à la cosmologie.
Après tout l'hypothèse atomique s'est d'abord appuyée sur la chimie et la thermodynamique les faisant progresser toutes deux avant de permettre l'avènement plus tard de la mécanique quantique. De même la géométrie noncommutative n'est sûrement qu'un premier pas vers la gravité quantique et une théorie physique plus mature basée sur cet outil ouvrira peut-être plus tard des perspectives nouvelles et insoupçonnées sur les phénomènes physiques au delà du TeV ...
In this note we will show the intimate relationships between Weyl anomalies, the dilaton and the Higgs eld in the framework of spectral physics. The framework is the expression of a eld theory in terms of the spectral properties of a (generalized) Dirac operator. In this respect this work can be seen in the framework of the noncommutative geometry approach to the standard model of Connes and collaborators [1, 2, 3, 4], as well as of Sakharov induced gravity [5] ...The dilaton may involve a collective scalar mode of all fermions accumulated in a Weyl-noninvariant dilaton action. Accordingly the spectral action arises as a part of the fermion eff ective action divided into the Weyl non-invariant and Weyl invariant parts. We calculate the dilaton e ective potential and we discuss how it relates to the tran-sition from the radiation phase with zero vacuum expectation value of Higgs fields and massless particles to the electroweak broken phase via condensation of Higgs fi elds. The collective field of dilaton can provide the above mentioned phase transition with EW symmetry breaking during the evolution of the universe.
A.A. Andrianov et al, Spectral action, Weyl anomaly and the Higgs-Dilaton potential 06/2011
Provided with Noncommutative Geometry, whose basic elements are spectral triples and a finite set of axioms, it becomes possible to integrate inside a single mathematical formalism gravitational, electromagnetic, weak and strong interactions. Gauge fields of the three last interactions then become, inside this formalism, connections of a discrete space and are interpreted as pseudo-forces associated to the gravitational field.
One of the elements of this formalism is a self-adjoint operator D, unbounded, with compact resolvent and acting on a Hilbert space. Applied to high energy physics, this operator will be the Dirac operator ...
Indeed, in the same way that one can determine the electric or magnetic field by measuring the shift of the spectral lines of atoms immersed in these fields (Stark and Zeeman effects respectively), the Dirac operator spectra allows one to retrieve informations on the gravitational field via the distance formula.
The purpose of this report is to show that the Noncommutative Geometry, when a spectral triple is chosen equivalent to a Riemannian geometry allows, via the fluctuation of Dirac operator, the obtention of an exact equivalence principle : generation of curvature and torsion from flat space.
Mathieu Marciante et Thomas Schücker, Fluctuation of Dirac operator and equivalence principle 22/02/12
A realistic Higgs mass estimate of 126 GeV was obtained by Shaposhnikov and Wetterich in [35], based on a renormalization group analysis, using the functional renormalization group equations (FRGE) method of [40] for gravity coupled to matter...We discuss the implications of using this RGE flow on the particle physics models based on the spectral action functional. In particular, one can obtain in this way a realistic Higgs mass estimate without introducing any additional field content to the model (see the recent [12] for a di fferent approach based on a coupling with a scalar field), but the fact that the RGE with anomalous dimensions lead to a Gaussian matter fixed point" at high energies requires a reinterpretation of the geometric constraints at unification energy imposed by the geometry of the spectral action models, as in [13]
Christopher Estrada et Matilde Marcolli, Asymptotic safety, hypergeometric functions and the Higgs mass in the spectral action models 12/08/12
One may assume that near the Planck energy scale, the geometry of space-time ceases to have the simple continuous form we are familiar with. At high enough energy scales, quantum gravity effects turn on and they alter space-time. One can thus assume that at high energy scales, spacetime becomes discrete and the coordinates do not longer commute. Such an approach could a priori be tested by its phenomenological and cosmological consequences. Combining noncommutative geometry [1, 2] with the spectral action principle, led to Noncommutative Spectral Geometry (NCSG), used by Connes and collaborators [3] in an attempt to provide a purely geometric explanation for the Standard Model (SM) of electroweak and strong interactions. In their approach, the SM is considered as a phenomenological model, which dictates the geometry of space-time so that the Maxwell-Dirac action functional leads to the SM action. The model is constructed to hold at high energy scales, namely at unification scale; to get its low energy consequences which will then be tested against current data, one uses standard renormalization techniques. Since the model lives at high energy scales, it can be used to investigate early universe cosmology.
Mairi Sakellariadou et al, Noncommutative spectral geometry and the deformed Hopf algebra structure of quantum field theory 13/01/13
The Standard Model (SM) of elementary particles has been tremendously successful in explaining the world at the smallest length scales that can currently be probed [1]. Yet, it leaves many feeling a bit uneasy for some of its properties appear to be rather ad hoc; few people believe that we have fully understood the Standard Model. The application of noncommutative geometry [2] (NCG) to the subatomic realm might over time increase our understanding of the Standard Model. A line of thought that started with the Connes-Lott model [3] culminated in a geometric description [4] of the full Standard Model. It derives both the correct particle content of the Standard Model, extended with right-handed neutrinos ( SM), as its full action by employing the principles of NCG and adding as little extra input as possible. On top of that, this description allows for a prediction of the Higgs boson mass [4, 5]. NCG might thus prove itself a valuable tool for model building in High Energy Physics.
Thijs van den Broek et Peter van Suijlekom Beyond the Standard Model with noncommutative geometry 14/01/13
// L'une des difficultés de l'approche spectrale du modèle standard vient de ce qu'elle repose sur un formalisme qui n'est pas forcément familier à la majorité des physiciens et qui peut leur paraître avoir été développé de façon ad-hoc pour coïncider avec le modèle standard. Voici un extrait d'une critique assez détaillé du modèle de Chamseddine et Connes; il est à noté qu'elle est malheureusement datée de 2007 et qu'une solution semble avoir été (partiellement ?) trouvée au problème mentionné concernant le groupe de renormalisation.
Right now, I think that they obtain as many results as the number of assumptions they insert. Except that they don't write the assumptions about the gauge group and representations on two lines as we usually do but spread them over 13 pages instead. ;-)Also, the previous criticism applies: gravity is only unified with other forces at the level of words because they are controlled by independent constants and different components of a physically non-unified framework. And the predictions are inconsistent with the renormalization group - they either contradict the existence of running or they at least don't say what is the scheme and scale in which the predictions should be valid.So as far as I can say, the work remains a physically vacuous artistic construction of a cool mathematician and his colleague.
Lubos Motl, Alain Connes: uniqueness of Standard Model 16/08/07
Une longue marche de phénoménologiste (vers un printemps noncommutatif) ?
// La qualité essentielle de la géométrie noncommutative spectrale, être un cadre solide et riche mathématiquement constitue aussi son premier défaut en tant qu'outil pour le physicien : il est très rigide et on risque de s'y perdre ! Les tentatives d'approfondissement de la phénoménologie de la physique des particules dans ce cadre noncommutatif au delà du modèle standard sont rares mais elles existent. Par ailleurs, outre le bourgeon de cosmologie noncommutative évoqué précédemment il semble qu'une nouvelle racine spectrale commence à pousser dans le riche terreau de la phénoménologie de la gravitation ...
In this publication we presented an extension of the Standard Model within the framework of Connes’ noncommutative geometry [1]. To obtain the model we slightly extended an extension of the Standard Model found in the classification of minimal spectral triples [7]. The fermionic sector of this minimal spectral triple contains the first family of the Standard Model fermions and an extra particle which we call the X-particle. This minimal model allows for an anomaly free charge assignment under the enlarged Standard Model
gauge group G = U(1)Y×SU(2)×SU(3)×U(1)X. We assumed that the Standard Model particles, including the Higgs doublet, are neutral to the new U(1)X gauge group, while the X-particles are neutral to the Standard Model gauge group but couple vectorially to U(1)X. Consequently their masses are gauge invariant and are therefore assumed to be of the order of the cut-off energy Λ ∼ 1017 GeV.
The phenomenology of this model seems intriguing. Since the classical prediction of the Higgs mass of mH ≈ 170 GeV [1, 19] from the spectral action is almost certainly excluded by the Tevatron [32] the model presented here may open a new window. For the case of a zero vacuum expectation value the mass of the Higgs particle remains almost unchanged compared to the Standard Model value of mH ≈ 170 GeV. But the
mass of the new particle can be as low as mϕ ≈ 73 GeV which is less than half the Higgs mass. Therefore the Higgs may decay into the new scalar thus changing its decay width. This could perhaps evade the restrictions posed by the Tevatron [32]. For the case of a nonzero vacuum expectation value the new scalar and the Higgs mix considerably. The mass eigenstates will in general consist of a rather light scalar particle 16mH1 ∼ 120 GeV and a heavy particle mH2 ≥ 170 GeV.
Christoph A Stephan, New Scalar Fields in Noncommutative Geometry 29/01/09
In the context of NonCommutative Spectral Geometry (NCSG), we have studied the precession of spin of a gyroscope orbiting about a rotating gravitational source. Such a gravitational field gives rise, according to General Relativity predictions, to the geodesic and the Lense-Thiriing processions, the latter being strictly related to the off-diagonal terms of the metric tensor generated by the rotation of the source. We have focused in particular on the gravitational field generated by the Earth, and on the recent experimental results obtained from the Gravity Probe B satellite, which has tested the geodesic and Lense-Thirring spin precession with high precision. We have calculated the corrections of the precession induced by NCSG corrections...We were thus able to constrain ... a real parameter related to the coupling constants at unification, by recent observations on geodesic and frame-dragging precession generated by a rotating gravitational source and observed by Gravity Probe B. Note that this is a stronger constraint than the one imposed [10] by studying the energy lost from binary systems via emission of gravitational waves
Gaetano Lambiasea et al, Constraints on NonCommutative Spectral Action from Gravity Probe B 13/02/13
En attendant ILC et CLIC réunissent leurs forces pour éviter que ne claquent les portes du Paradis
La crise économique (ou faible croissance (ou décroissance ?)) et les restrictions budgétaires frappent déjà durement la recherche sur la physique des hautes énergies au Etats-Unis, dans ce contexte il n'est pas étonnant d'apprendre grâce au Blog Physics and Physicists que les deux groupes internationaux de chercheurs qui travaillent sur la prochaine génération de grand accélérateur après le LHC, ont décidé très récemment d'unir leurs forces (pour garantir l'avenir de leur discipline ?).
The two most mature future particle physics projects, the International Linear Collider (ILC) and the Compact Linear Collider study (CLIC), have formed an official organisational partnership today. As the newly founded Linear Collider Collaboration, they will coordinate and advance the global development work for the linear collider, a global project to complement the Large Hadron Collider (LHC) at CERN and ultimately understand the deepest secrets of the universe. The Linear Collider Collaboration is headed by Lyn Evans, former Project Manager of CERN’s Large Hadron Collider (LHC). Hitoshi Murayama, Director of the Kavli Institute for the Physics and Mathematics of the Universe, will serve as a deputy director.
Exchange Magazine, COLLIDERS COLLIDING: ILC and CLIC unite in the Linear Collider 22/02/13
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