samedi 16 février 2013

Mais, c'est un astéroïde ? Non camarade, c'est un météore !

On se couche en rêvant d'observer le lendemain le discret passage d'un astéroïde 
Il était une fois un professeur de sciences de France et de Navarre, adepte de la chasse aux informations dans la jungle du web, qui était allé consulter le site de l'agence spatiale européenne au sujet du passage à proximité de la Terre de l'astéroïde 2012 DA 14, passage prévu pour le lendemain soir : vendredi 14 février de l'an de grâce 2013. Il s'était ainsi préparé à affronter vaillamment les questions que ne manqueraient pas de lui  poser les charmantes mais férocement sur-informées  "curiosi-têtes blondes" qui peuplent  sa cité scolaire. Il avait même prévu d'illustrer la fin de ses cours du vendredi avec quelques infographies glanées sur le forum futura-sciences.com ou bien sur le site de la revue Ciel et Espace afin de les convaincre de l'absence de danger de collision déduite des prévisions des astronomes obtenues grâce à nos connaissances des lois de la physique. Il pensait aussi donner des conseils aux jeunes amateurs d'astronomie pour tenter d'observer aux jumelles le petit astéroïde.


On se réveille avec la nouvelle fracassante d'un météore dans le ciel de l'Oural !
Or donc le lendemain quelle n'est pas sa surprise quand, effectuant la prière du matin de l'homme post-moderne, il lit sur sa tablette tactile cette nouvelle fracassante :  En Russie, une pluie de météorites fait un millier de blessés !


L'oeil-caméra ubiquiste était là qui enregistrait le passage du météore, 
au bon endroit et au bon moment et même avec le cadre parfait !


Evidemment il faut toujours se méfier un peu des titres de Une et chercher plus d'informations afin de croiser les sources mais le devoir appelle le professeur et il lui faudra attendre un peu pour voir la vidéo ci-dessous qui ne montre pas directement une pluie de météorites mais un gros météore qui semble exploser pendant dans sa course vers le sol.
Confiant dans les lois de la physique mais prudent vis à vis de la fiabilité des modèles qui les utilisent il ne s'avance pas trop devant ses élèves l'après-midi lorsqu'ils l'interrogent sur le lien éventuel entre ce météore venu de l'Oural et le passage de l'astéroïde prévu le soir même : il dit qu'il n'a pas assez d'information pour dire s'il y a un lien éventuel...
Quoiqu'il en soit, à la date et l'heure prévue par les astronomes, l'astéroïde 2012 DA 14 est bien là pour sa  "proche rencontre" avec la Terre comme l'atteste par exemple les images ci-dessous.


  Une séquence animée de prises de vue réelles illustrant le passage
de l'astéroïde 2012 DA 14  alors à 36 500 km de la Terre.
 Les images ont été prises avec un télescope du projet web 2.0
de télescope virtuel virtualtelescope.eu mis en place par Gianluca Masi.


Entre un météoroïde non identifié et des météorites très  recherchées, le désormais célèbre météore de Tchéliabinsk 
Il faudra que le professeur attende la fin de sa journée de travail pour lire plus d'informations sur ce qui c'est passé dans le ciel russe le matin même au dessus de la région de Tchéliabinsk. Il découvrira en particulier avec un certain vertige qu'il y a déjà une page wikipédia en anglais très fournie sur le désormais météore russe de 2013 et aussi une page en français (la rédaction de la première semble commencer environ une heure après l'évènement et la seconde sept heures après la première!) et il lira aussi avec une certaine curiosité les premières réactions des témoins russes de l'évènement, rapportées à travers leurs tweets.
Or donc ce qui s'est réellement passé, ou du moins ce que les nombreuses vidéos montrent, c'est l'apparition dans un ciel matutinal d'un authentique météore qui se désintègre brutalement dans les hautes couches de l'atmosphère et qui provoque du coup une violente onde de choc soufflant les vitres et portes de nombreux bâtiments. Plus tard dans la journée l'identification de probables cratères d'impacts causés par des débris du météore commence, en particulier sur un lac gelé, bientôt suivie d'une inévitable chasse à la collecte de météorites, certaines peut-être déjà entre les mains des autorités.


A propos de  Kaira ...
Reste pour le professeur la question de savoir s'il y a un éventuel lien entre le météore russe de 2013 issu par définition d'un météoroïde (qui peut être en gros soit un astéroïde soit un noyau de comète) et l'astéroïde précédent. En suivant un lien hypertexte (à partir d'une page wiki en anglais) notre professeur découvre un blog scientifique finlandais qui lui donne une réponse claire : "il n'y en a pas, c'est juste une coïncidence très improbable".
... we need to look at the trajectories. The asteroid 2012 DA14 is approaching from the south. It will slingshot past the Earth and continue rising to the North.
However, the Chelyabinsk event is coming from a different direction. The city is at 55°09′N 61°23′E and the event radiant (the position of origin of the meteor) is above and to the left of the rising sun. 
... even with the uncertainty, this is still in a COMPLETELY different direction.
Also, we can consider the timing of the events. The closest approach of 2012 DA14 will occur at approximately 19:24 UTC. The Chelyabinsk event occurred at about 9:20 am local time... which is 03:20 UTC. (UTC is Coordinated Universal Time, and provides a common time-zone to allow the comparison.)
If we consider the difference, it is approximately 18 hours. The asteroid is travelling at approximately 8 km/s and, if the Chelyabinsk object was related, it would have required a deep space velocity of about the same. Even if the two were related, this would put the two objects some half a million km apart. 
In any case, the two events are not related.
This is just a VERY unusual coincidence.
 Derek McKay-Bukowski, Blog KAIRA, 15/02/2013

Le professeur note au passage un petit clin d'oeil du destin à travers le nom du blog (qui est l'acronyme anglais de Kilpisjärvi Atmospheric Imaging Receiver Array) car, ayant eu la chance de faire un cours séjour en Finlande début janvier, il a reconnu le mot finlandais pour désigner l'outil qui permet de forer un trou dans un lac gelé afin d'y pêcher à savoir : kaira !  

L'énigme de Toungouska sera-t-elle détrônée (ou bien résolue) par (grâce à l'étude de) ce nouveau météore ?
Naturellement cet évènement survenu en Russie fait resurgir des mémoires d'autres plus anciens et donc nimbés de plus de mystères encore, comme celui survenu à Toungouska en 1908. Un site scientifique richement documenté de l'université de Bologne y est entièrement consacré. Il est impossible naturellement de résumer son contenu. On y trouve par exemple cet intéressant article qui non seulement résume bien l'explication standard de l'évènement de Toungouska basée sur la chute d'un météoroïde mais tente aussi de trancher entre une origine astéroïdaire ou cométaire par un modèle probabiliste qui conduit respectivement aux valeurs 83% et 17% pour les probabilités relatives des deux hypothèses. On peut ensuite comparer cette analyse qu'il est raisonnable de qualifier d'orthodoxe avec une autre interprétation faite par un astrophysicien plus hétérodoxe qui met en jeu non pas le ciel mais plutôt les enfers ou plus précisément ... un volcanisme sous-terrain !
Sinon la "curiosithèque" que représente la base d'articles scientifiques en ligne arxiv offre toujours l'occasion de faire un beau voyage avec ce mot clé de Toungouska véritable sésame pour découvrir des phénomènes, des objets ou des théories exotiques : les écoulements hypersoniques, l'électrophonie, la cosmogonie explosive des petits corps, la ceinture de Kuiper et le nuage de Oort, la panspermie, le monde miroir ...
Naturellement il ne faut pas perdre de vue qu'en sciences comme ailleurs il faut savoir être non seulement prudent mais aussi un sceptique actif :
And when such claims are extraordinary, that is, revolutionary in their implications for established scientific generalizations already accumulated and verified, we must demand extraordinary proof.  
Et lorsque de telles affirmations sont extraordinaires, c'est-à-dire lorsqu'elles impliquent une révolution des théories scientifiques déjà établies et vérifiées, nous devons demander des preuves extraordinaires. 
 Marcello Truzzi, The Zetetic

Une bonne part de la subtilité de cette sentence réside dans la difficulté à définir précisément ce que l'on entend par "évènements extraordinaires, affirmations extraordinaires et ... preuves extraordinaires", la zététique  créant parfois comme outil de propagande plus de controverses qu'elle n'est censée en résoudre comme discipline scientifique !

//Mise à jour lundi 18/02/13








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