Un quantum d'obstination (7)
Entrer dans une nouvelle pièce (aller au delà du Modèle Standard) ...
... avec une clé (la supersymétrie) qui ouvrirait la serrure attendue (expliquerait naturellement la masse trop faible des bosons de Higgs)
... pour se retrouver évidemment devant une nouvelle porte (pourquoi la supersymétrie est brisée?)
A moins qu'il y ait une autre serrure (un quark stop à découvrir) sur la première porte et qu'il faille donc (encore) une autre clé (un mécanisme de mélange de saveurs pour expliquer sa masse plus grande qu'attendue ?) ...
Entrer dans une nouvelle pièce (aller au delà du Modèle Standard) ...
Le fol espoir des physiciens des particules est de découvrir des phénomènes qui ne sont pas prédits par le Modèle Standard (MS) de leur discipline. Or la découverte (attendue) du boson de Higgs au LHC est semble-t-il pour le moment une déception pour une bonne partie d'entre-eux car la nouvelle particule se comporte pour le moment assez précisément tel que le MS le prévoyait.
Pour mieux appréhender le sens de la situation il faut rappeler ce bon mot de John Ellis, l'une des grandes figures de la physique au CERN et l'un des promoteurs des théories de grande unification : alors que Margaret Thatcher lui demandait ce qu'il faisait lui et ses collègues, il expliqua qu'ils effectuaient beaucoup de calculs et un bon paquet de prédictions tout en espérant que les expériences mettent en évidence quelque chose d'autre. La première ministre de Grande-Bretagne de l'époque l'interrogea alors pour savoir s'il ne valait pas mieux pour eux qu'ils trouvent ce qu'ils étaient censés chercher. Ellis fit cette réponse :
No. Then we would not discover anything interesting
Non car alors nous ne découvririons rien d'intéressant.
Or c'est justement le sentiment d'une majorité de théoriciens d'après ce que l'on peut lire sur les blogs spécialisés et comme on l'a déjà rapporté ici dans de précédents billets.
... avec une clé (la supersymétrie) qui ouvrirait la serrure attendue (expliquerait naturellement la masse trop faible des bosons de Higgs)
Dans une théorie qui contient des champs scalaires élémentaires, comme c'est le cas du Modèle Standard qui requiert la présence du boson scalaire de Higgs, il n'y a aucun mécanisme naturel pour éviter que les masses des scalaires ne soient pas du même ordre de grandeur que l'échelle [des théories de Grande Unification] GUT. En effet, les corrections radiatives aux masses des bosons de Higgs sont proportionnelles à l'échelle d'unification. A moins de faire un réglage très fin et absolument non-naturel des paramètres du potentiel scalaire, le boson de Higgs aura tendance à avoir une masse de l'ordre de 1016 GeV . Or on sait que le boson de Higgs doit avoir une masse plus petite que O(1TeV) pour éviter que le secteur bosonique de la théorie n'interagisse trop fortement. Les théories supersymétriques SUSY nous donnent une solution naturelle à ce problème: les divergences quadratiques dues aux contributions des particules standard et des particules SUSY s'annulent entre elles automatiquement. Toutefois, la divergence résiduelle sera proportionelle à la différence de masse entre les particules standards et supersymétriques. Il ne faudrait donc pas que cette différence soit beaucoup plus grande que l'échelle de Fermi [électrofaible] sinon le problème est réintroduit de nouveau.
Abdelhak Djouadi Motivations théoriques 07/071998
... pour se retrouver évidemment devant une nouvelle porte (pourquoi la supersymétrie est brisée?)
Dans le MS, la brisure spontanée de la symétrie électrofaible a une origine assez obscure: on met une masse carrée négative au champs scalaire à la main, avec pour conséquence le développement d'une valeur moyenne non-nulle sur le vide et la brisure spontanée de la symétrie. Dans les théories supersymétriques, ce mécanisme peut être généré de manière assez naturelle: à l'échelle GUT, le champs scalaire a une masse carrée positive, mais [à cause de la masse assez élevée du quark top entre autre chose] en évoluant vers les basses énergies, la masse carrée devient négative et induit de manière naturelle la brisure spontanée de la symétrie électrofaible. C'est ce qu'on appelle la brisure radiative de la symétrie électrofaible. Toutefois, le problème est translaté un cran plus haut, puisque le mécanisme de brisure de la Supersymétrie elle même n'est pas connu de manière précise.
ibid.
A moins qu'il y ait une autre serrure (un quark stop à découvrir) sur la première porte et qu'il faille donc (encore) une autre clé (un mécanisme de mélange de saveurs pour expliquer sa masse plus grande qu'attendue ?) ...
Now that the Higgs boson has been discovered [1, 2], naturalness becomes the most pressing question within reach of the LHC. The spectre of unnaturalness, after making its first apparition with the cosmological constant, is now looming behind the Higgs boson, as no new physics has been sighted at the LHC. Casting the final verdict on naturalness is one of the main tasks of the high-energy run at 14 TeV. Since the main contribution that destabilises the electroweak scale in the Standard Model (SM) comes from a top-quark loop, the key for addressing the naturalness problem at the LHC is the identfication of the top partner that is responsible for cancelling the quadratic divergence. The top partner can be a scalar particle (such as the stop, in the case of supersymmetry) or a fermion (as in the case of composite Higgs models). The hunt for the top partner, which is actively pursued at the LHC, is the most direct way to test the idea of naturalness for the electroweak scale ...Let us conclude by stressing that the implications of stop-scharm mixing studied in the present paper hold well beyond the minimal supersymmetric scenario. The phenomenology of squark flavour mixing and their decay into quarks are common to a large class of supersymmetric models. Hence the beneficial effects of stop-scharm mixing on fine-tuning together with an interesting phenomenology provide a strong motivation to explore this possibility experimentally.
Maintenant que le boson de Higgs a été découvert [1, 2], la question la plus pressante à la portée du LHC est celle de la naturalité. Le spectre d'une absence de naturalité, après avoir fait sa première apparition avec la constante cosmologique, se cache maintenant derrière le boson de Higgs, car aucune nouvelle physique n'a été aperçue au LHC. Etablir le verdict final sur la naturalité est l'une des principales tâches de la course aux hautes énergies jusqu'à 14 TeV. Puisque la principale contribution à la déstabilisation de l'échelle électrofaible dans le Modèle Standard (SM) provient d'une boucle de quark top, la clé pour résoudre le problème de la naturalité au LHC est l'identification du partenaire du top responsable de l'annulation de la divergence quadratique. Le partenaire du top peut être une particule scalaire (tels que le stop, dans le cas de la supersymétrie) ou un fermion (comme dans le cas des modèles de Higgs composites). La chasse au partenaire du top qui est activement poursuivie au LHC est le moyen le plus direct pour tester l'idée de naturalité de l'échelle électrofaible ...Concluons en soulignant que les conséquences du mélange stop-scharme étudiées dans le présent article vont bien au-delà du scénario supersymétrique minimal. La phénoménologie du mélange des saveurs des squarks et leur désintégration en quarks sont communes à une large classe de modèles supersymétriques. Par conséquent, les effets bénéfiques du mélange stop-scharme sur le réglage fin et sur l'existence d'une phénoménologie intéressante constitue une forte motivation pour explorer cette voie expérimentalement.
Monika Blanke et al. Flavoured Naturalness, 28/02/13
ou qu'il faille tout redéfinir : la clé (un seul Higgs) et la serrure (le bon scénario de stabilité du vide quantique) puis attendre (une meilleur mesure de la masse du quark top ?)
... avant d'accéder au nouvel espace qui se cache derrière la porte (l'échelle de Planck ?)
à savoir :
The value of the Higgs mass (Mh) favored by present ATLAS and CMS..., Mh = 125-126GeV, is intriguing: it is quite close to the minimum Mh value that ensures absolute vacuum stability within the Standard Model (SM) which, in turn, implies a vanishing Higgs quartic coupling (λ) around the Planck scale. In order to assess if the measured Higgs mass is compatible with such a peculiar condition, a precise computation is needed.
La valeur de la masse du Higgs (Mh) mesurée par ATLAS et CMS ..., Mh = 125-126GeV, est intrigante: elle est assez proche de la valeur minimale Mh qui assure la stabilité du vide quantique au sein du Modèle Standard (MS), ce qui du coup implique une convergence vers zéro de la constante de couplage quartique (λ) du Higgs au voisinage de l'échelle de Planck. Afin d'évaluer si la masse mesurée du Higgs est compatible avec une telle condition particulière, un calcul précis est nécessaire.
Giuseppe Degrassia et al., Higgs mass and vacuum stability in the Standard Model at NNLO 29/05/12
In this article the stability of the Standard Model (SM) vacuum in the presence of radiative corrections and for a Higgs boson with a mass in the vicinity of 125 GeV is discussed. The central piece in this discussion will be the Higgs self-interaction and its evolution with the energy scale of a given physical process. This is described by the β-function to which we recently computed analytically the dominant three-loop contributions [1]. These are mainly the QCD and top-Yukawa corrections as well as the contributions from the Higgs self-interaction itself. We will see that for a Higgs boson with a mass of about 125 GeV the question whether the SM vacuum is stable and therefore whether the SM could be valid up to Planck scale cannot be answered with certainty due to large experimental uncertainties, mainly in the top quark mass.
Dans cet article, la stabilité du vide dans le MS en présence des corrections radiatives et pour un boson de Higgs de masse voisine de 125 GeV est discutée. L'élément central de cette discussion sera l'auto-interaction du boson de Higgs et son évolution avec l'échelle d'énergie d'un processus physique donné. Cette opération est décrite par la fonction β dont nous avons récemment calculé analytiquement les contribution dominantes à l'ordre de trois boucles [1]. Il s'agit principalement des corrections dues à la chromodynamique quantique (QCD) et au couplage de Yukawa avec le quark ainsi que des contributions de l'auto-interaction Higgs. Nous allons voir que pour un boson de Higgs de masse d'environ 125 GeV la question de savoir si le vide du MS est stable et si on pouvait en déduire que le MS est valable jusqu'à l'échelle de Planck n'a pas de réponse certaine en raison de trop grandes incertitudes expérimentales, principalement sur la masse du quark top.
Max F. Zoller, Vacuum stability in the SM and the three-loop -function for the Higgs self-interaction 07/12/12
... avant d'accéder au nouvel espace qui se cache derrière la porte (l'échelle de Planck ?)
à savoir :
- Un avatar banal du multivers ?
The first lesson that we learn from the SM extrapolation is that the Higgs mass hinted by LHC results corresponds to λ = 0 and βλ = 0 at high energies. This, by itself, is an intriguing result because λ = 0 is the critical value for stability and it may hide some information about Planckian physics. With our precise calculation, we can investigate further the situation... Quantum tunneling is sufficiently slow to ensure at least metastability of the electroweak (EW) vacuum... It is natural to try to speculate on the possible meaning of the near vanishing of λ and βλ around the Planck scale.
The coupling λ = 0 is the critical value that separates the ordinary EW phase from a phase in which the Higgs field slides to very large values. It is noteworthy that the hierarchy problem can also be interpreted as a sign of near criticality between two phases [46]...
The observation that both parameters in the Higgs potential are quasi-critical may be viewed as evidence for an underlying statistical system that approaches criticality. The multiverse is the most natural candidate to play the role of the underlying statistical system for SM parameters. If this vision is correct, it will lead to a new interpretation of our status in the multiverse: our universe is not a special element of the multiverse where the parameters have the peculiarity of allowing for life, but rather our universe is one of the most common products of the multiverse because it lies near an attractor critical point.
La première leçon que nous apprenons de l'extrapolation du MS est que la masse du Higgs suggérée par les résultats du LHC correspond à λ = 0 et βλ = 0 à haute énergie. Cela, en soi, est un résultat intéressant car λ = 0 est la valeur critique pour la stabilité et et elle pourrait cacher certaines informations à propos de la physique à l'échelle de Planck. Avec notre calcul précis, nous pouvons étudier davantage la situation ... L'effet tunnel quantique est suffisamment lent pour assurer au moins la métastabilité du vide électrofaible (EW) ... Il est naturel d'essayer de spéculer sur la signification possible de la quasi disparition de λ et βλ autour de l'échelle de Planck.
Le couplage λ = 0 est la valeur critique qui sépare la phase EW ordinaire d'une phase dans laquelle le champ de Higgs tend vers des valeurs très grandes. Il est à noter que le problème de la hiérarchie peut aussi être interprété comme un signe de quasi-criticité entre deux phases [46] ...
L'observation selon laquelle les deux paramètres du potentiel de Higgs sont quasi-critiques peut être considérée comme la preuve de l'existence d'un système statistique sous-jacent qui se rapproche de la criticité. Le multivers est le candidat le plus naturel pour jouer le rôle du système statistique sous-jacent pour les paramètres du MS. Si cette vision est correcte, cela conduira à une nouvelle interprétation de notre statut dans le multivers: notre univers n'est pas un élément particulier du multivers où les paramètres ont la particularité de permettre la vie, mais notre univers est l'un des avatars les plus ordinaires du multivers, dans la mesure où il se trouve à proximité d'un point critique attracteur.
Giuseppe Degrassia et al., Higgs mass and vacuum stability in the Standard Model at NNLO 29/05/12
- Un terrain pacifié (asymptotiquement sûr) où gravitation quantique (non-perturbativement renormalisable) et extension minimale du modèle standard (avec des neutrinos de Majorana) s'unissent ?
There are indications that gravity is asymptotically safe. The Standard Model (SM) plus gravity could be valid up to arbitrarily high energies. Supposing that this is indeed the case and assuming that there are no intermediate energy scales between the Fermi and Planck scales we address the question of whether the mass of the Higgs boson mH can be predicted. For a positive gravity induced anomalous dimension Aλ > 0 the running of the quartic scalar self interaction λ at scales beyond the Planck mass is determined by a fixed point at zero. This results in mH = mmin = 126 GeV, with only a few GeV uncertainty. This prediction is independent of the details of the short distance running and holds for a wide class of extensions of the SM as well.
Il y a des indications qui portent à croire que la gravité est asymptotiquement sûre. Le modèle standard (MS) ainsi que la gravité pourrait être valables à des énergies arbitrairement élevées. A supposer que tel est bien le cas, et en supposant qu'il n'y a pas d'échelle d'énergies intermédiaires entre celles de Fermi et de Planck nous abordons la question de savoir si la masse du boson de Higgs mH peut être prédite. Pour une valeur positive de la dimension anormale Aλ, induite par la gravité, le flot du couplage quartique d'auto-interaction scalaire λ à une échelle au-delà de la masse de Planck est déterminé par un point fixe nul. Il en résulte mH = mmin = 126 GeV, avec une incertitude de seulement quelques GeV. Cette prédiction est indépendante des détails du flot à courte distance et reste valable pour une large classe d'extensions du MS.
Mikhail Shaposhnikov et Christof Wetterich, Asymptotic safety of gravity and the Higgs boson mass 12/01/10
... the confirmed observational signals in favor of physics beyond the Standard Model which were not discussed in this paper (neutrino masses and oscillations, dark matter and baryon asymmetry of the Universe) can be associated with new physics below the electroweak scale, for reviews see [60, 61] and references therein. The minimal model νMSM, contains, in addition to the SM particles, three relatively light singlet Majorana fermions. These fermions could be responsible for neutrino masses, dark matter and baryon asymmetry of the Universe. The MSM predicts that the LHC will continue to confirm the Standard Model and see no deviations from it.
... les signaux expérimentaux confirmés en faveur d'une physique au-delà du MS qui n'ont pas été abordés dans le présent document (masses des neutrinos et leurs oscillations, matière noire et asymétrie baryonique de l'Univers) peuvent être associés à une nouvelle physique en dessous de l'échelle électrofaible, pour des études voir [60, 61] et les références citées. Le modèle minimal νMSM, contient, en plus des particules du MS, trois singulets relativement légers qui sont des fermions de Majorana. Ces fermions pourraient être responsables des masses des neutrinos, de la matière noire et de l'asymétrie baryonique de l'Univers. Le νMSM prédit que le LHC va continuer à confirmer le modèle standard et ne verra pas d'écarts par rapport à celui-ci.
Fedor Bezrukov et al., Higgs boson mass and new physics 27/09/12
- Le lieu même de la naissance de la géométrie et du temps (grâce au formalisme de la géométrie noncommutative et au principe d'action spectrale) ?
We end the book by coming back to the construction of a theory of quantum gravity. Our approach here starts by developing an analogy between the electroweak phase transition in the Standard Model and the phase transitions in the quantum statistical mechanical systems described in Chapter 3. Through this analogy a consistent picture emerges which makes it possible to define a natural candidate for the algebra of observables of quantum gravity and to conjecture an extension of the electroweak phase transition to the full gravitational sector, in which the geometry of space-time emerges through a symmetry breaking mechanism and a cooling process.
Nous terminons le livre en revenant sur la construction d'une théorie de la gravité quantique. Notre approche commence ici en élaborant une analogie entre la transition de phase électrofaible dans le modèle standard et les transitions de phase dans les systèmes de mécaniques quantiques statistiques décrits dans le chapitre 3. Grâce à cette analogie une image cohérente se dégage qui permet de définir un candidat naturel pour l'algèbre des observables de la gravité quantique et permet de conjecturer une extension de la transition de phase électrofaible à l'ensemble du secteur de la gravitation, dans lequel la géométrie de l'espace-temps émergerait à travers un mécanisme de brisure de symétrie et un processus de refroidissement.
Alain Connes et Matilde Marcolli, Noncommutative Geometry, Quantum Fields and Motives 2008
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