vendredi 22 mars 2013

Faut-il craindre de paramétrer l'univers avec deux tiers d'inconnu et un quart d'invisible ?

// méditation et lecture en cours  ...

68,3% d'énergie sombre et 26.8% de matière noire (exactement?)
Voilà les deux paramètres essentiels du modèle cosmologique standard actuel et leurs valeurs telles que mesurées avec précision par le satellite Planck et auxquelles le titre du billet fait allusion ...

"Les astronomes cosmologistes sont souvent dans l’erreur mais jamais rarement dans le doute" 
La lecture pourrait commencer par ce billet écrit sur son propre blog par le populaire mathématicien français Cédric Villani, lequel cite (avec une ou deux erreurs possibles) un fameux physicien russe du passé : Lev Landau.
[...] l’astronomie présente plusieurs caractéristiques remarquables : d’abord la richesse des observations (même au niveau des textes de référence, il est remarquable de voir la place que les traités d’observation occupent aux côtés des traités théoriques); ensuite la quasi-impossibilité de réaliser des expériences, et puis le contraste entre la familiarité apparente des objets que les grands télescopes nous ont montrés (galaxies spirales, planètes avec leurs satellites, anneaux, etc.) et la difficulté que nous avons à les expliquer, menant les astronomes à toutes sortes de contorsions pour expliquer des phénomènes complexes (matière noire ? énergie noire ? Les astronomes sont souvent dans l’erreur mais jamais dans le doute, disait l’immense physicien Lev Landau, jamais en peine d’amabilités pour ses collègues).
Cédric Villani, Le matheux revient (il est toujours vivant) 10/2012

"Je suis certain que le temps est venu de mettre au rencard la citation de Landau" 
Une requette sur la cybersphère plus tard, la citation de Landau semble devoir être amendée, du moins si l'on croit sa version anglaise (il faudrait trouver une éventuelle citation russe), et mène presque naturellement vers une réplique du cosmologiste/astrophysicien américain Michael Turner écrite en conclusion d'un article de Physics Today daté de 2001. Il y justifie l'expression qu'il a forgé de "cosmologie de précision" en   s'appuyant sur des exemples paradigmatiques des succès des modèles astrophysiques comme ceux de la nucléosynthèse stellaire, la nucléosynthèse primordiale associée au Big Bang chaud. Il montre comment des calculs très détaillés de physique nucléaire appliquée à l'astrophysique ont été confirmés plus tard par les mesures, soulignant les contributions de deux astrothéoriciens aujourd'hui disparus : John N. Bahcall et David N. Schramm. L'article commence ainsi :
 Cosmologists are often in error, but never in doubt. —LEV LANDAU
et se termine par ces mots :
Five years ago, in a moment of irrational exuberance, I coined the phrase precision cosmology. Time will tell how true this rings. I am certain that it is time to retire Landau’s quote.
Michael Turner, Two Theorists Never in Doubt 2001
// ajout du 24/03
Pour vérifier que cette thèse a résisté au temps il suffit de poursuivre les recherches, toujours guidé par la sentence de Landau ... Arrêtons nous sur cette seconde source, beaucoup plus récente donc, conservée sur le site arxiv. Il s'agit d'un article publié dans la revue de la société Indienne d'astronomie qui présente - en  autre - l'intérêt de discuter du prix qu'il faut payer pour la précision en cosmologie (par contre les valeurs de pourcentages d'énergie sombres doivent aujourd'hui être révisés) ...

There is a famous quote from Lev Landau, the great Russian physicist of the 20th century, which 
says: “Cosmologists are often in error, but seldom in doubt”!
Unfortunately, Landau passed away in 1968, from the complications of a car accident that he was involved in 6 year earlier, so I wonder whether he ever had a chance to reflect on Penzias and Wilson’s discovery of the CMB. Maybe, if he had, or if he had lived for another decade or so to witness the onset of the renaissance in observational cosmology, he might have revisited his original scepticism. Nevertheless, one often wonders whether there is some wisdom in the words of such great minds that would survive beyond the ages. For me, this rang particularly true in October 1998, when two of the most influential figures in modern cosmology, James Peebles and Michael Turner debated “The Nature of the Universe” in the main auditorium of Smithsonian’s National Museum of Natural History in Washington, DC. The 1998 debate subtitle was “Cosmology Solved?”, and their points of view appeared on the arXiv shortly afterwards (Peebles 1999; Turner 1999). Despite being the early days of precision cosmology (which was a term also 
coined by Turner), and only a few months from the discovery of dark energy from supernovae Ia observations, Turner was very optimistic that the basic tenets of ΛCDM cosmology, along with inflation, will survive further scrutiny. On the other hand, Peebles was more cautious: “We have a well defined, testable, and so far quite successful theoretical description of the expansion: the relativistic Friedmann-Lemaitre cosmological model. The observational successes of this model are impressive but I think hardly enough for a convincing scientific case.”. It appears that, as we discussed above, the influx of observational data over the ensuing decade has validated Turner’s vision of precision cosmology. However, there is a price for this success which is often ignored.

More than 99 percent of today’s energy content of the Universe in the concordance cosmological model is either unidentified, or invisible to us (e.g., see Afshordi 2004; Fukugita & Peebles 2004)! The most  enigmatic component of ΛCDM is Λ or the so-called dark energy, which comprises around 73% of the energy of the Universe today.
Niayesh Afshordi Where will Einstein fail? Lessons for gravity and cosmology 16/03/12

Ainsi donc le prix de la précision ... c'est la vérité crue de notre ignorance (n'en déplaise à C. Villani) que révèlent les termes de matière noire et d'énergie sombre employés dans le modèle cosmologique standard actuel !


Il ne faut pas avoir peur du noir : "On ne doit rien craindre dans la vie, il suffit de comprendre"
C'est ce qu'aurait dit Marie Curie et ses propos sont repris par le blogueur Ethan Siegel dans un billet consacré à la matière noire justement ...

L'existence du Higgs semble aujourd'hui presque établie comme le déficit des neutrinos solaires hier; après l'obscurité vient donc le spectre ... de la lumière ?
Pour ma part je dirais volontiers qu'il ne faut pas confondre astronomes et astrophysiciens, et je m'interrogerais sur le statut particulier de la cosmologie qui est peut être davantage un modèle tout court qu'une discipline scientifique à part entière ...
J'ajouterais que si les physiciens des particules ont mis quasiment cinquante ans pour passer de l'hypothétique mécanisque (A)BEHHGK à la détection d'un boson de Higgs, les astrophysiciens n'ont mis qu'une quarantaine d'années pour valider l'hypothèse du déficit de neutrinos solaires et trouver son origine dans les oscillations de saveurs de ces derniers. Alors laissons nous encore du temps pour comprendre un peu mieux la véritable nature des problèmes que recouvrent les termes:



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