samedi 26 janvier 2013

Les électrons en chute libre rêvent-ils de gravité quantique? / Do free falling electrons dream of quantum gravity ?

Peut-on espérer débusquer le prochain Einstein avec Google ?
Dans son odyssée à travers la physique en train de se faire, le blogueur essaie d'exploiter au mieux les vents favorables, autrement-dit utiliser à bon escient les outils du web 1.0 (documents hypertextes et moteurs de recherche classiques), 2.0 (foiresforums et marchés aux questions, blogs et agrégateurs de blogs) et 3.0 (moteurs de recherche sémantique). Pas plus tard que le week-end dernier, en interrogeant Google à l'aide des mots clés suivants "hawkins temperature measures what" (l'erreur sur l'orthographe du nom propre a été conservée pour plus d'authenticité), l'algorithme a pointé directement vers cet essai écrit dans le cadre du concours de l'été 2012 organisé par la communauté FQXi et qui portait sur la question: Laquelle de nos hypothèses physiques fondamentales est fausse ? Le physicien Douglas Singleton y discute d'une éventuelle violation du principe d'équivalence d'Einstein à travers une élégante expérience de pensée qui conduit à une nouvelle vision de la gravitation dans un cadre quantique. En voici quelques morceaux choisis :


La relativité générale repose sur un principe physique : le principe d'équivalence locale
Singleton commence par une présentation simple du principe physique fondamental de la relativité générale, dans la formulation dite de "l’ascenseur d'Einstein" : 
... If an observer, placed inside a small enough enclosure such as an elevator, feels their feet pressed to the bottom of the elevator, this observer can not tell if the elevator is at rest on the surface of some gravitating planet with a local gravitation eld g or if the elevator is accelerating through empty space-time with acceleration a = g. The condition "small enough" means that tidal forces, which do differentiate between a gravitational field and acceleration, can be ignored. This condition for the validity of the equivalence principle implies that general relativity is a local theory of gravity since it is built on a local principle - the equivalence principle.

... Si un observateur, placé à l'intérieur d'une boîte suffisamment petite telle qu'un ascenseur, sent ses pieds pressés vers le bas de l'ascenseur, cet observateur ne peut pas dire si l'ascenseur est au repos à la surface d'une planète avec un champ de gravitation local g ou si l'ascenseur est accéléré à travers l'espace-temps vide avec une accélération  a = g. La condition «assez petite» signifie que les forces de marée, qui ne permettent pas de faire la différence entre un champ de gravitation et une accélération peuvent être ignorées. Cette condition de validité du principe d'équivalence implique que la relativité générale est une théorie de la pesanteur, car elle est construite sur un principe local - le principe d'équivalence.


La physique quantique ne repose pas sur un principe physique clairement établi mais on sait qu'elle est non locale
Le principe local d'équivalence est l'obstacle majeur à la construction d'une théorie quantique de la gravité qui doit être non locale; conséquence : il faut y renoncer, c'est l'hypothèse formulée par Singleton!
General relativity has not yet been successfully combined with quantum mechanics into a theory of quantum gravity. Although quantum mechanics, unlike general relativity, is not built on a definite principle one can say that quantum mechanics has inherently non-local characteristics. This non-locality of quantum mechanics is best illustrated by Bell-type experiments where particles, which are entangled quantum mechanically, can influence each other even when separated by a great distance...
In this essay we examine the proposition that it is the local, equivalence principle which must be given up.

La relativité générale n'a pas encore été combinée avec succès avec la mécanique quantique dans une théorie de la gravité quantique. Bien que la mécanique quantique, contrairement à la relativité générale, ne soit pas construite sur un principe défini, on peut dire que la mécanique quantique est intrinsèquement non-locale. La meilleure illustration de cette non-localité de la mécanique quantique est donnée par les expériences sur les inégalités de Bell où des particules qui sont intriquées quantiquement, peuvent s'influencer l'une l'autre, même quand elles sont séparés par une grande distance ...
Dans cet essai, nous explorons les conséquences de l'idée suivante : le principe d'équivalence local doit être abandonné.

Une expérience de pensée au bord d'un trou noir pour y comparer les expressions générales des températures de Hawking et d'Unruh 
Here we use a thought experiment, based on a comparison of Hawking radiation with Unruh radiation, to show that these two quantum phenomenon imply a small violation of the equivalence principle.
Hawking radiation is the thermal radiation emitted by a black hole ... It occurs as a consequence of placing quantum fields in the gravitational background of a black hole. An observer who stays at a fixed distance ... from a black hole ... will measure a temperature ... This formula contains elements of all the important pillars of modern physics: (i) quantum physics via Planck's reduced constant...; (ii) relativity via the speed of light...; (iii) thermodynamics via Boltzmann's constant ...; (iv) gravity via Newton's constant ... Because of this Hawking radiation has been touted as the first hint toward unifying quantum physics with gravity.
By the equivalence principle an observer, accelerating through flat, Minkowski space-time, should also measure thermal radiation. Otherwise the observer could immediately tell the difference between a gravitational field and an accelerating frame (the accelerating frame would be the one in which no thermal radiation is detected). Soon after Hawking's original paper on black hole radiation it was shown that an accelerating observer does detect thermal radiation with a temperature ... known as ... Unruh temperature.
... Thus, at least qualitatively, there is no violation of the equivalence principle (an observer in an Einstein elevator fixed at a distance from a black hole will measure both a downward acceleration toward the floor of the elevator and thermal radiation at a temperature THawking; an observer in an Einstein elevator which is accelerating through flat, Minkowski space-time will also measure both a downward acceleration and thermal radiation [with a temperature 
TUnruh]. However, looking at this situation quantitatively [comparing formulas for THawking and TUnruh] uncovers a violation of the equivalence principle except in the limit as the observer approaches the event horizon ...

Ici, nous utilisons une expérience de pensée, basée sur une comparaison du rayonnement de Hawking avec le rayonnement d'Unruh, pour montrer que ces deux phénomènes quantiques impliquent une petite violation du principe d'équivalence.Le rayonnement de Hawking est le rayonnement thermique émis par un trou noir. C'est une conséquence de l'environnement gravitationnel d'un trou noir en théorie quantique des champs. Un observateur qui reste à une distance fixe d'un trou noir de masse, permettra de déterminer la température de Hawking par une équation ... Cette formule contient des éléments qui appartiennent à tous les piliers de la physique moderne: (i) la physique quantique, à travers la constante de Planck réduite..., (ii) la relativité à travers la vitesse de la lumière ...; (iii) la thermodynamique via la constante de Boltzmann ...; (iv) la gravité via la constante de Newton ... Pour cette raison le rayonnement de Hawking a été présenté comme le premier indice d'une possible unification de la physique quantique avec la gravité.En vertu du principe d'équivalence, un observateur subissant une accélération dans un espace-temps de Minkowski plat devrait également mesurer un rayonnement thermique. Sinon, l'observateur pourrait faire immédiatement la différence entre un champ de gravitation et l'accélération de son référentiel propre (le référentiel étant en accélération s'il n'y détecte aucun rayonnement thermique). Peu de temps après l'article original de Hawking sur le rayonnement du trou noir il a été montré qu'un observateur accéléré détecte bien un rayonnement thermique avec une température ... connue sous le nom ... de Température d'Unruh.... Ainsi, au moins qualitativement, il n'y a pas de violation du principe d'équivalence (un observateur dans un ascenseur d'Einstein à une distance fixe d'un trou noir pourra mesurer à la fois une accélération vers le plancher et un rayonnement thermique à une température THawking; un observateur dans un ascenseur d'Einstein qui accélère dans un espace-temps de Minkowski plat pourra également mesurer à la fois une accélération vers le bas et un rayonnement thermique [avec une température TUnruh]. Cependant, en regardant cette situation quantitativement [en comparant les formules pour déterminer THawking et TUnruh ] on découvre une violation du principe d'équivalence [une différence entre les valeurs des deux températures], sauf dans la limite où l'observateur se rapproche de l'horizon des événements ...



Si les concepts de gravité et d'inertie ne coïncident - dans notre cadre quantique actuel - que sur l'horizon des évènements, que peut-on imaginer qu'il se passe ailleurs ?
In summary, the equivalence principle violating thought experiment for an observer equipped with an accelerometer and a thermometer is as follows: (i) Measure the local acceleration. (ii) Insert this local acceleration into the expression for TUnruh. (iii) Measure the temperature. If this temperature is higher than that calculated in step (ii) then one is in a gravitational field and not in an accelerating frame.
We now ask "What are the possible implications, for gravity, of this violation of the equivalence principle from the above thought experiment?". In addressing this question we will assume that the strength of the gravitational effects are proportional to or connected with the Hawking temperature and the inertial effects are proportional to or connected with the Unruh temperature. In particular we assume the ratio of the gravitational and inertial masses are connected with the ratio of the Hawking temperature to the Unruh temperature. This assumption is not trivial since the violation of the equivalence principle discussed above deals with the Einstein elevator formulation of the equivalence principle while the distinction between gravitational and inertial masses is a different formulation of the equivalence principle.
 
En résumé, l'expérience de violation du principe d'équivalence pour un observateur équipé d'un accéléromètre et d'un thermomètre se déroule selon le protocole suivant : (i) Mesurer l'accélération locale, (ii) insérer cette accélération locale dans l'expression de TUnruh, [pour la calculer] (iii) mesurer la température. Si cette température est supérieure à celle calculée à l'étape (ii) l'observateur est dans un champ de gravitation sinon il est soumis à une accélération. On se demande maintenant "quelles sont les conséquences possibles, pour la pesanteur, de cette violation du principe d'équivalence dans l'expérience de pensée ci-dessus ?» Pour répondre à cette question, on suppose que la force des effets gravitationnels est proportionnelle à ou en relation avec la température de Hawking et les effets inertiels sont proportionnels à ou en relation avec la température d'Unruh. En particulier on suppose que le rapport entre les masses inertiel et grave est relié au rapport des températures de Hawking et Unruh. Cette hypothèse n'est pas triviale puisque la violation du principe d'équivalence présentée ci-dessus porte sur sa formulation via l'expérience de pensée de l'ascenseur d'Einstein alors que la distinction entre masses gravitationnelle et inertielle est une formulation différente du principe d'équivalence.


Et si gravitation et théorie quantique des champs étaient d'autant plus compatibles que le champ gravitationnel est fort ?
... in the near horizon region the equivalence principle is restored. (Note that exactly at the horizon both temperatures diverge to the same infi nite value due to the blue shift factor. This is as expected since for an observer fixed just above the horizon the local acceleration and Hawking temperature both diverge). This is surprising. One might have guessed that in a region of stronger gravitational field strength, such as near the horizon versus far from the horizon, the violation of the equivalence principle would be more pronounced; that the divergence between quantum mechanics (as represented by Hawking and Unruh radiation) and general relativity would be larger. The fact that this is not the case might be taken as an indication that general relativity and quantum mechanics are more compatible, not less, as the strength of the gravitational field increases.
... au voisinage de l'horizon le principe d'équivalence est rétabli. (Notez que c'est exactement sur l'horizon que les deux températures divergent conjointement à cause du facteur de décalage vers le bleu. Ceci est conforme aux attentes puisque, pour un observateur fixé juste au-dessus de l'horizon c'est à la fois l'accélération locale et la température de Hawking  qui divergent). Ce fait est surprenant. On aurait pu s'attendre à ce que dans une région de plus forte intensité du champ gravitationnel, comme c'est le cas près de l'horizon, la violation du principe d'équivalence soit plus prononcée et que la divergence entre la mécanique quantique (représentée par les rayonnements de Hawking et Unruh) et la relativité générale soit plus grande. Le fait que ce n'est pas le cas peut être considéré comme une indication que les théories de la relativité générale et de la mécanique quantique sont d'autant plus compatibles entre elles que l'intensité du champ gravitationnel est grande.

Que pourrait-il se passer au delà et en deçà de l'horizon d'un trou noir (d'une conjecture à l'autre)? 
... behind the horizon the expressions for Hawking temperature and Unruh temperature break down, and we continue our journey inward based on the following conjecture: Outside the horizon gravitational effects dominate inertial effects; near the horizon gravitational effects and inertial effects are equivalent; thus we postulate that inside the horizon inertial effects dominate gravitational effects... One consequence of this would be the avoidance of the singularities at the center of black holes. For a test particle with inertial mass, mi, and gravitational mass, mg, one can use Newton's 2nd Law to make a heuristic argument... Essentially the gravitational force, as characterized by mg, which drives the test particle toward the singularity, weakens relative to the resistance to acceleration, characterized by mi. At some point this increase of the inertia of the test particle to be accelerated further by the decreasing gravitational force leads to the halting of the in-fall of the test mass, which would now be held up by the non-gravitational forces of the other material which has fallen through the horizon. At this point one can say that the test particle, and any other material that has fallen to this point inside the horizon, is "frozen" and non-dynamical, since the inertial mass of the material will have increased to the point where further motion is impossible. 
... derrière l'horizon les expressions pour la température de Hawking et d'Unruh cessent d'être valables et le voyage continue vers l'intérieur du trou noir sur la base de la conjecture suivante : au delà de l'horizon les effets gravitationnelles dominent les effets inertiels; au voisinage de l'horizon les effets gravitationnelles et inertielles sont équivalents; donc nous postulons qu'à l'intérieur de l'horizon les effets inertiels dominent les effets gravitationnels ... Une conséquence de cela serait l'évitement de la singularité au centre des trous noirs. Pour une particule test de masse inertielle mi et de masse gravitationnelle mg on peut utiliser la 2ème loi de Newton pour proposer un argument heuristique ... En gros la force de gravitation, caractérisée par mg, qui entraîne la particule test vers la singularité est affaiblie par rapport à la résistance à l'accélération, caractérisée elle par mi. À un certain moment cette augmentation de l'inertie de la particule test concomitante de la diminution de la force gravitationnelle conduit à l'arrêt de la chute de la masse d'épreuve qui serait désormais retenue par les forces non-gravitationnelles des autres matériaux précédemment passés à travers la ligne d'horizon. A ce stade, on peut dire que la particule test, et toute autre matière tombée à l'intérieur de l'horizon, est "gelée" et non dynamique, puisque la masse inertielle de la matière aura atteint un point au delà duquel le mouvement est impossible.


Le rêve d'une théorie de la gravité (non-perturbativement) renormalisable réalisé par esclavage (ou sécurité) asymptotique ?

This postulated transition of gravity, under conditions of high mass-energy density, to a non-dynamical theory also might have relevance for the difficulty of consistently calculating quantum corrections to the gravitational field i.e. the long standing and unresolved problem of formulating a quantum theory of gravity. For all non-gravitational fields/interactions there is a well tested procedure for consistently calculating quantum corrections known as renormalization. General relativity is famously  non-renormalizable.
If, as we argue above, gravity becomes non-dynamical (i.e. all motion is "frozen") above some energy scale due to increasing inertial effects (i.e. inertial mass) at these extreme energies, then this would provide a natural cut-off in the energy-momentum integrations. One should integrate the field/particle energy-momentum only up to the scale at which the postulated inertial mass increase makes the theory non-dynamical. The resulting integrals representing the quantum corrections would then be finite which would do away with the need for renormalization. This picture has similarities with asymptotic freedom of the strong interaction where quarks, which carry the strong color charge, interact ever more weakly at higher energies. In the limit of large energies the strong color interaction goes to zero and the quarks move as almost free particles. In the above picture for gravity at high energy-momentum, not only does the gravitational interaction become weaker, but the inertial mass increases so the objects are non-dynamical and do not move at all. Instead of asymptotic freedom one might call this asymptotic slavery or asymptotic confi nement.
  
Ce postulat de transition de la gravité, dans des conditions de haute densité de masse-énergie, vers une théorie non-dynamique pourrait également présenter un intérêt au regard des difficultés liées au calcul des corrections quantiques à la théorie du champ gravitationnel à savoir le problème toujours non résolu de la formulation d'une théorie quantique de la gravité. Pour tous les champs/interactions non gravitationnels il y a une procédure bien testée pour calculer les corrections quantiques connue sous le nom de renormalisation. La relativité générale est connue pour être non renormalisable.
Si, comme nous l'avons vu ci-dessus, la gravité devient non-dynamique (c.a.d tout mouvement est «gelé») au-dessus d'une certaine échelle d'énergie à cause de l'augmentation des effets d'inertie (de la masse d'inertielle) à des énergies extrêmes, cela fournirait un paramètre de coupure naturel dans des intégrations en énergie-impulsion. Il ne faudrait intégrer l'énergie-impulsion associée aux champs/particules que jusqu'à l'échelle à laquelle l'augmentation de la masse inertielle postulée rend la théorie non-dynamique. Les intégrales résultantes représentant les corrections quantiques seraient alors finies ce qui ferait disparaître la nécessité de  la renormalisation. Cette image présente des similitudes avec la liberté asymptotique de l'interaction forte, où les quarks, qui portent une charge de couleur, interagissent de plus en plus faiblement à des énergies plus élevées. Dans la limite des hautes énergies l'interaction forte tend vers zéro et les quarks se déplacent sous forme de particules presque libres. Dans l'image ci-dessus pour la gravité à haute énergie-impulsion, non seulement l'interaction gravitationnelle devient plus faible mais la masse inertielle augmente de sorte que les objets ne sont pas dynamiques et ne bougent pas du tout. En lieu et place de liberté asymptotique on pourrait appeler ce mécanisme l'esclavage asymptotique ou la sécurité asymptotique.
"Les trous noirs" "sont (ir)résolus" ?
Bien entendu la question n'est pas tranchée mais il est permis de penser qu'Albert Einstein eut apprécié la clarté de l'exposition, la logique de l'argumentation, la simplicité des hypothèses et l'audace des conclusions tirées de ce texte.

\\ Ce billet inaugure une nouvelle rubrique de ce blog qui portera spécifiquement sur les problèmes de gravité quantique (il fait aussi suite à ce billet)

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