mercredi 11 juillet 2012

De quelle nouvelle physique le boson de Higgs est-il l'augure ?

Et Higgs facta est! (Anno Domini Nostri Higgs?)
Ainsi donc l'accélérateur de particules désormais le plus célèbre du monde, s'il n'a peut-être pas éclipsé l'éclat du créateur, a pour le moins levé le voile sur l'existence d'un nouveau champ quantique qui baigne le vide de l'univers d'une lumière rare que seul le LHC a su faire briller pour nos yeux. Ce qui est dit là est bien sûr à prendre dans un sens figuré.
Pour ceux qui, à mes métaphores personnelles et aux anagrammes de littérateurs plus illustres, préfèrent le vocabulaire technique et les calculs ésotériques de la physique théorique disons qu'il faut entendre par lumière rare : la valeur moyenne non nulle de l'état fondamental, appelé aussi vide quantique, du champ de Higgs (à propos de vide quantique voir la p848 de cet intéressant lexique moderne de philosophie naturelle). Elle est à l'origine de la brisure spontanée de symétrie électrofaible et génère les masses non nulles des particules élémentaires.
  
Le bienheureux Modèle Standard sous les bons auspices du chant du Higgs
Si l'on en croit les collaborations internationales CMS et ATLAS qui gèrent les deux détecteurs du LHC ayant mis en évidence la nouvelle particule, celle-ci a une masse de 125.3 ± 0.6 GeV d'après CMS et 126 GeV selon ATLAS (qui ne donne pas d'indication chiffrée sur la marge d'erreur mais elle est semble-t-il de l'ordre du GeV comme CMS). Il est à noter que la masse est le seul paramètre qui soit mesurable pour le moment. Le spin de la particule ne peut à ce stade être identifié complètement, on sait seulement qu'il s'agit d'un boson et qu'il n'est pas de spin un. Mais alors comment les physiciens peuvent-ils être sûrs que cette particule est bien le boson de Higgs prévu par le Modèle Standard la théorie actuelle de l'infiniment petit ? Ils ne le sont certes pas tout-à-fait mais parmi les piliers sur lesquels repose la clé de voûte de l'analyse des données produites par le LHC le Modèle Standard est une pièce centrale : dit d'une façon imagée ce dernier est le seul interprète fiable connu capable de nous traduire l'espèce de langue des oiseaux que parle la Nature à l'échelle du zeptomètre dans la "cage" des collisionneurs de particules.

Une semaine après la "création" du Higgs, n'est-il pas temps d'ouvrir le livre des prophéties pour y chercher le nouveau prophète meilleur oracle? 
Ce que j'entends par livre des prophéties c'est un corpus des théories physiques réfutables qui permettent de calculer et donc de prédire la masse du ou des bosons de Higgs. J'ignore s'il existe un lieu précis sur la cybersphère où cette somme serait réunie (par contre il y a naturellement sur Terre plusieurs têtes bien pleines de choses intéressantes à dire, Jean Iliopoulos en est l'incarnation vivante) mais je connais pour ma part l'existence d'une compilation amusante de toutes les prédictions de masses proposées par la communauté des théoriciens jusqu'à décembre 2011 (elle a été établie par Thomas Schücker). Je vous laisse y découvrir sinon le "meilleur" prophète du moins la prévision qui se rapproche le plus de la valeur expérimentale actuelle ...
En guise de conclusion provisoire à ce billet j'invite le lecteur qui voudrait approfondir cette problématique à découvrir sans tarder ce récent billet de Mathilde Marcolli. On y verra que la volonté de certains chercheurs audacieux de réunir vraiment le concept de supersymétrie et de géométrisation non-commutative pourrait finalement débloquer la situation de statu quo théorique décrite dans le billet du 21 juin ...

Retour vers le futur l'avenir?
Ce dernier paragraphe est un addendum écrit 41 jours après Higgs, le 14 août donc : nous sommes encore au beau milieu de la torpeur estivale dans l'hémisphère Nord aussi je me permets de relayer cette nouvelle qu'aucun blog scientifique référencé par le site de qualité interactions.org  n'a encore diffusée (si ce n'est de façon indirecte dans le premier commentaire de ce billet). Il s'agit d'une information scientifique de poids  ... qui s'ajoute à (pour ne pas dire court-circuite momentanément) celle annoncée dans le paragraphe précédent. C'est en fait une mise à jour (et non pas une prédiction ni tout-à-fait une "postdiction") du calcul de la masse du boson de Higgs dans le modèle spectral d' Alain Connes (voir le billet du 21 juin). Là encore je laisse la-e lectrice-eur curieuse-x/courageuse-x le soin de découvrir la prépublication en question et la rétrodiction (?) qui s'y cache avant d'en reparler le plus vite possible au billet suivant!

Conclusion possible (55ème jour après Higgs ou 55d. A.H) : 
On a trouvé le boson de Higgs Le premier champ scalaire fondamental a été mis au jour

Rétrosynthèse définitive (1 an avant Higgs ou 1y. B.H) :
Quoi de plus naturel que de donner pour finir la parole à Jean Iliopoulos qui résumait admirablement la situation en 2011:
THE ABSENCE OF A LIGHT HIGGS IMPLIES NEW PHYSICS
BUT A LIGHT HIGGS IS UNSTABLE WITHOUT NEW PHYSICS
L'absence d'un Higgs léger implique une nouvelle physique
Mais un Higgs léger est instable sans nouvelle physique


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