jeudi 14 juin 2012

"No future" pour les particules supraluminiques ... Un moment (punk?) de physique (post;-)moderne


L'histoire commence par ce cri : "Einstein est mort!"
En effet le 23 septembre 2011 l’expérience OPERA, qui observe un faisceau de neutrinos envoyé depuis le CERN à une distance de 730 km, au Laboratoire de l’INFN Gran Sasso, en Italie, présente de nouveaux résultats à l’occasion d’un séminaire retransmis sur le web. "Le résultat d’OPERA semble indiquer que les neutrinos se déplacent à une vitesse 20 x 10-6 supérieure à celle de la lumière" dans le vide. Or cette vitesse est indépassable par une particule dotée d'une masse non nulle (c'est le cas du neutrino) selon la théorie de la relativité restreinte énoncée par Einstein en 1905. Un article scientifique a été mis en ligne par l'équipe scientifique la veille sur arxiv un site d'archivage de prépublications électroniques de réputation mondiale.

Le récit rebondit avec une vieille antienne : Elvis ressuscité !
Après le coup de tonnerre dans la cyber-sphère scientifique, rapidement relayé par les média généralistes à l'échelle du globe, une avalanche de nouvelles prépublications déboule sur la toile. Une recherche sur arxiv à la date de publication de ce billet (14 juin 2012) comptabilise 185 articles sur le sujet. J'ignore si une étude exhaustive de ce magma d'idées, d'hypothèses et de théories en fusion tentant d'expliquer, de confirmer ou d'invalider le résultat expérimental d'OPERA est possible, souhaitable ou a déjà été envisagée (comme travail de thèse en sociologie des sciences ou comme exercice à vertu pédagogique pour des étudiants en physique expérimentale ou théorique). Quoiqu'il en soit, dans ma pêche curieuse aux informations, j'ai découvert cette perle qui mérite je crois une lecture pour l'humour et la culture qui y transparait. Les auteurs O. I. Chashchina et Z. K. Silagadze (des physiciens affiliés à l'université d'état russe de Novosibirsk en Sibérie) y discutent le statut scientifique des particules supraluminiques de façon pédagogique et documentée avant de conjecturer l'existence d'un cadre théorique pour un tel genre de particules qu'ils baptisent du nom d'elvisbrion pour des raisons que je vous laisse découvrir en anglais dans l'extrait suivant :


Je ne m'aventurerai pas à juger plus avant la pertinence des théories sur les tachyons et autre elvisbrions. Je laisse à l'internaute (ou le robot?) de passage ici le soin de lire attentivement l'article de Chashchina et Silagadze et de méditer la sagesse pragmatique du principe d'Alvarez énoncé dans ce passage ...



... avant d'explorer plus avant cette page ci du site "The Net Advance of Physics" affilié à la célèbre université américaine MIT (ce site est une encyclopédie en ligne qui collecte et sélectionne des articles et tutoriels scientifiques de valeur). On y trouve, classé par hypothèses rigoureusement ordonnées, un vaste panel d'articles traitant des neutrinos supraluminiques.

Le conte moral s'achève sur cette annonce traditionnelle : Vive Einstein !
Revenons à la page de communiqués de presse du CERN autour de l'expérience OPERA pour boucler la boucle. On y apprend le 8 juin 2012 que lors de la 25e Conférence internationale sur la physique des neutrinos et l’astrophysique Sergio Bertolucci, directeur de la recherche au CERN, a présenté les résultats relatifs au temps de vol des neutrinos mesuré sur le trajet entre le CERN et le laboratoire du INFN Gran Sasso, pour le compte de quatre expériences situées au Gran Sasso. "Ces quatre expériences, Borexino, ICARUS, LVD et OPERA, ont toutes mesuré un temps de vol des neutrinos compatible avec la limite liée à la vitesse de la lumière. Ces résultats divergent par rapport à la mesure que la collaboration OPERA avait soumise à l’examen de la communauté scientifique en septembre dernier, et indiquent que la mesure initiale d’OPERA peut être attribuée à un élément défectueux d’un système à fibres optiques de mesure du temps".
Sur arxiv on trouve depuis le 12 juin 2012 cet article qui présente une étude expérimentale ayant permis de mesurer précisément l'erreur systématique sur la mesure de temps en question. Une fois cette erreur prise en compte dans les calculs, les mesures d'OPERA redeviennent compatibles avec la vitesse usuelle de la lumière donc la relativité restreinte est sauve ...






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