mardi 26 juin 2012

Né un 4 juillet 2012 ? Le Big Buzz du Boson de Higgs !

Flash-back introductif en forme de paraphrase Baudelairienne  

La cybersphère est une auberge espagnole,
Trop souvent en sortent de confuses paroles !
Pourtant de ce diffus bruit de fond médiatique
Émergent parfois des nouvelles scientifiques ...

"Que le spectacle commence" dans la jungle subatomique / "All That Jazz" in the subatomic Jungle 
Parmi tous les débats qui agitent les blogs et autres (et plus anciens) forums scientifiques, la possibilité d'une annonce d'une découverte majeure en physique subatomique est en passe de devenir un marronnier. Il faut dire que la communauté  des chercheurs et des fans de la physique des hautes énergies ne s'est pas mise une nouvelle particule élémentaire sous la dent depuis 1995 date de la confirmation de la mise en évidence expérimentale du quark top par le Tevatron (le plus grand accélérateur linéaire proton-antiproton de la planète). Les annonces successives de sa découverte en 1994  et sa confirmation l'année suivante (toutes deux faites au Fermilab célèbre laboratoire américain) faisaient déjà à l'époque la Une du New York Times.


Cette fois les gars ça n'est pas une fluctuation statistique, c'est une promesse de découverte / This time falks that's not a fluke, it's a promise of discovery

Au mois de décembre 2011 des scientifiques blogueurs se demandaient si les physiciens, ces grands enfants, auraient un Higgs pour Noël au pied de leur immense sapin/collisionneur dans leurs souliers/données numériques. D'aucuns avaient déjà réécrit les paroles d'un chant populaire : "Happy Higgsmas" ! Mais après la déclaration officielle très prudente du directeur du CERN il fallait provisoirement déchanter. Il faut dire qu'après le battage médiatique excessif autour de l'annonce erronée d'une "détection" de neutrinos supraluminiques par la collaboration OPERA, il fallait éviter un autre pataquès ou même un couac feutré comme celui des pentaquarks (voir l'article intitulé le penta-couac daté de 2005 dans la très instructive revue Elémentaire réalisée par l'IN2P3). Cette controverse là a commencé au début des années 2000 après la mise en évidence par une équipe japonaise de Spring8 (le plus grand synchrotron du monde)  d'un signal interprété comme la trace d'un état condensé de quatre quarks et un antiquark. Une avalanche d'articles (pour preuve cette poussée de fièvre sur le site arXiv) s'en suivit. Des équipes d'autres laboratoires : russe (Itep), allemand (ELSA) et américain (Jefferson Lab) confirmèrent dans un premier temps l'existence de cette nouvelle famille de particules (les baryons exotiques) avant qu'une étude plus poussée n'infirme finalement les résultats précédents, attribuant le signal controversé à des fluctuations statistiques. L'article du groupe d'experts chargé de trancher le débat en 2008 finit sur ces mots : 


 The whole story—the discoveries themselves, the
tidal wave of papers by theorists and phenomenologists that
followed, and the eventual “undiscovery” —is a curious episode
in the history of science.


Il est à noter que les controverses meurent lentement, celle autour des pentaquarks se poursuit donc mais à plus faible intensité (voir ici pour la dernière expérience de 2009 et pour sa réfutation en 2010).


La prochaine fois on vous le tweetera 
#EtTroisEtQuatreEtCinqSigmas (sur un air connu) : voilà un nouveau hashtag que l'on pourrait créer afin de référencer les futures découvertes en physique des particules !
L'usage veut en effet que dans cette discipline on ne fasse de telles annonces que lorsque le résultat d’une mesure est situé à au moins «5 sigmas» de celui que l’on obtiendrait si l’effet testé n’existait pas. Le problème réside dans l'évaluation de cette quantité fondamentale de l'analyse statistique : l'écart-type (symbolisé par la lettre grecque sigma). S'il ne reflétaient qu'une erreur statistique liée à une loi de probabilité gaussienne, on serait assuré d’avoir fait une découverte. En effet, le scénario selon lequel une fluctuation aléatoire des données aurait repoussé la valeur mesurée à plus de « 5 sigmas » de la valeur réelle correspond à une probabilité gaussienne très faible (à peu près 6 chances sur 10 millions) de se tromper ! Malheureusement, la réalité est moins simple que les modèles puisque l'écart-type rassemble non seulement des incertitudes statistiques mais aussi des erreurs systématiques, souvent difficiles à évaluer correctement, d'où les annonces erronées du passé (pour approfondir l'étude des erreurs passées et comprendre mieux la prudence actuelle dans la communication du CERN on lira avec profit cet article en anglais de Giulio D'Agostini spécialiste d'analyse statistique).
Je n'ai pas connaissance d'étude historique exhaustive mais il me semble que jusqu'à la fin du XX siècle le critère des 5 sigmas était suffisamment discriminant pour trier le bon grain de l'ivraie. Or il est fort possible et même logique qu'aujourd'hui les difficultés techniques et la sophistication des technologies requises pour sonder la matière et l'espace à des échelles toujours plus petites ne cessent de croître. Cela rend d'autant plus hardue la tâche des explorateurs du zeptoespace (l'énergie du LHC, de l'ordre de la dizaine de TeV, permet d'atteindre en ordre de grandeur la centaine de zeptomètre). 
Il faut aussi souligner la dimension économique et sociologique que revêtent nécessairement les controverses récentes en raison des moyens financiers et humains considérables mobilisés dorénavant par les expériences scientifiques en question. La médiatisation est un moyen de justifier auprès des contribuables des coûts qui peuvent atteindre plusieurs centaines de millions d'euros par an. La nécessité de publier coûte que coûte des résultats pour obtenir ou pérenniser les subventions des bailleurs de fond est peut-être à l'origine d'annonces prématurées en 2011 comme celle d'OPERA déjà mentionnée ou celle de la collaboration CDF qui a annoncé une découverte avec une pertinence statistique  de "3.2 sigmas"  seulement !
Quoiqu'il en soit les collaborations internationales ATLAS et CMS qui gèrent les deux détecteurs du LHC dédiés en particulier à la recherche du boson de Higgs présenteront le 4 juillet prochain leur dernière analyse effectuée sur la première campagne de mesure 2012. Il reste à savoir s'il y aura assez de données pour un signal à cinq sigmas du vrai fond statistique.

Pour finir voici un prologue cryptique pour une Odyssée du Zepto-Espace fantas(ma)tique

LE NAVIGATEUR / EXPERIMENTATEUR 
Nous avons déplié le zeptoespace jusqu'au Higgs. 
L'EMPEREUR / THEORICIEN
(extrêmement nerveux)
Ah ... Et comment s'est passé votre paramétrage de l'inconnu ?
LE NAVIGATEUR / EXPERIMENTATEUR 
(après une longue pause)
Nous n'avons vu aucune particule supersymétrique jusqu'à présent ... aucune.
L'EMPEREUR / THEORICIEN
Ah oui ?
LE NAVIGATEUR/ EXPERIMENTATEUR 
Pas une de celles, nombreuses, prévues par les Cordistes ...
Je vois clair en vous ... je vois beaucoup de dimensions ...
Je vois de nouvelles hypothèses pour sauver les anciennes hypothèses.
L'EMPEREUR /THEORICIEN
Il y a un problème ? ... En général c'est qu'il y a un problème quand vous venez me voir ...
(pas de réponse)
LE NAVIGATEUR / EXPERIMENTATEUR
(répondant finalement)
La réponse est dans le problème naturellement...

En fait ce qui ressemble à un script pour un hypothétique space-opéra du type la "Planète Higgs" pourrait bien être une réminiscence d'un film du passé parasitée par le souvenir du billet précédent ...

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